04 mai 2010

Le porteur d'eau

Sans titre 1

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En Inde, un porteur d'eau portait deux pots d'eau. Chacun était accroché au bout d'un bâton posé en balancier sur ses épaules.

Un des pots était marqué d'une fêlure et l'autre était parfait : il gardait son pot plein d'eau tout au long du chemin qui menait à la rivière. Le pot fêlé ne livrait que la moitié de son chargement d'eau.

Pendant deux ans, ceci arriva chaque jour : le porteur d'eau n'apportait qu'un seau et demi à la maison des maîtres.

Bien sûr, le pot parfait était fier. Et le pot fêlé était honteux de son défaut, malheureux de ne pouvoir accomplir que la moitié de sa mission.

Après deux ans de ce qu'il ressentait comme un échec, il parla au porteur d'eau, près de la rivière : « J'ai honte, je voudrais m'excuser, je voudrais être un autre pot comme le pot parfait ».

- «Pourquoi?» demanda le porteur.»De quoi as-tu honte?»

- «Depuis deux ans, je n'ai été capable de porter que la moitié de ma charge: ma fêlure fait couler l'eau pendant tout le trajet qui sépare la rivière de la maison de mes maîtres. A cause de mon imperfection, tu n'es pas récompensé de ton travail» dit le pot. Le porteur d'eau fut désolé d'entendre cette complainte.

- «Lorsque nous retournerons à la maison des maîtres, observe bien les belles fleurs le long du chemin».

En effet, comme ils escaladaient la colline, le pot fêlé observa le soleil qui dorait les superbes fleurs sauvages le long du sentier. Cela lui réchauffa un peu le cœur. Mais à l'arrivée, il se sentait toujours mal car il avait perdu la moitié de son eau.

 A nouveau, le pot fêlé s'excusa auprès du porteur d'eau. Celui-ci répondit :

« As-tu remarqué que les fleurs sauvages n'avaient poussé que de ton côté du chemin seulement ? C'est parce que j'ai compris ta fragilité et que j'en ai tiré parti : j'ai semé des fleurs de ton côté du sentier. Chaque jour lorsque je reviens de la rivière, tu arroses. Depuis deux ans, j'ai ainsi des fleurs à couper pour décorer la table des maîtres. Si tu n'étais pas tel que tu es, cette maison ne serait pas aussi fleurie ! »

 

 ( Tiré de Soif 2000)

 

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