"Je n'irai pas voir les images de décapitations, je n'irai pas voir. Je ne lirai pas les commentaires haineux sous les publications de certains quotidiens après publication de certains faits divers, je ne les lirai pas. Je n'ai plus assez de Nux Vomica en stock, je ne lirai donc plus rien de tout cela.
Je ne lirai plus rien sur l'urgence des changements climatiques, cela me plombe le moral. Je ne dirai plus rien sur l'urgence qu'il y a à changer de paradigme, après tout l'humanité toute entière ressemble à un fumeur invétéré persuadé d’échapper au cancer du poumon.
Mais je continuerai à vous dire l'urgence de nous dire "je t'aime", je continuerai à vous dire, quitte à passer pour une imbécile, l'urgence qu'il y a à nous partager les petits bonheurs quotidiens.
Je continuerai à vous dire l'humanité, notre humanité. Je continuerai à vous dire cette humanité, dans ses petits gestes, dans ses regards, dans ce qu'elle a de doux, de bon, je continuerai à vous dire que notre humanité, aussi imparfaite soit elle, est ce que nous avons trouvé de mieux pour contrer la barbarie. Je continuerai à croire à cette humanité là.
Alors, quitte à passer pour une imbécile, je continuerai, ici à partager des petits bouts de ce qui fait notre quotidien, dans ce qu'il a de mieux, dans ce qu'il a de grand, dans ce que ce quotidien nous fait humain, terriblement humain...
Quitte à passer pour une imbécile.
Nous marchons tous sur un fil, rien ne nous oblige à passer du côté sombre de la frontière, rien. Rien, ni personne, que nous...
Et nous sommes plus nombreux que nous ne l'imaginons.
Rien, donc, ne nous oblige à nous polluer le cerveau, le cœur, l'âme avec la noirceur du monde, rien.Rien ne nous oblige à alimenter la noirceur. Rien."
Un texte de Martine Cornil (Ancienne journaliste)