L'ESPRIT SALÉSIEN ET LA COMMUNION DES FRÈRES   

Les Actes du Congrès de Séville de décembre 2000 ont pour titre : « Etre, Vivre et Travailler comme association »…

Après avoir, avec beaucoup d'hésitations , répondu oui à Jean-François pour l'animation de ce week-end et lui avoir donné le titre de mes trois modestes interventions, je me suis rendu compte et il me l'a fait remarquer, que nous pouvions retrouver ces trois verbes, mais nous allons les prendre « dans le désordre » !..

La 1 ère intervention intitulée:  Communion de frères pourrait être : « Vivre »
La seconde intitulée :  La mission  pourrait être :« Travailler »
La troisième intitulée : L'intériorité pourrait être :« l'être »

Pourquoi ai-je le choix de cette première intervention : communion de frères. ?…  Sans doute, parce que :
- nous sommes une famille, une même famille spirituelle, animée d'un même esprit, d'un même charisme, fils et filles de Dieu d'un même Père et d'un même fondateur Don Bosco.
- parce que nous sommes créés à l'image de Dieu qui est Trinité, qui est relation, qui est communion.
- parce que Jean-Paul II dans sa lettre « Au début du nouveau millénaire » nous invitait fortement à être témoins de l'amour, à développer une spiritualité de communion. Au n°43, il nous invite à faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion.
- Parce que ce thème a été repris par le Recteur Majeur pour l'étrenne 2003 « faisons de chaque famille et de chaque communauté la maison et l'école de la communion, en promouvant une spiritualité de la communion, dans la construction d'une culture de la solidarité et de la paix. »
- Parce que notre Chapitre Général de 2002 avait pour thème : « En communion sur les chemins de la citoyenneté évangélique. »

Au n° 42 de sa lettre « Au début d'un nouveau millénaire », Jean-Paul II nous donne les fondements de cette communion en nous rappelant les paroles de St. Jean :
« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres (Jean13-35) et « Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13-34) La communion est le fruit et la manifestation de l'amour qui, jaillissant du cœur du Père éternel, se déverse en nous par l'Esprit que Jésus nous donne (Romains V-5) pour faire de nous « un seul cœur et une seule âme » (Actes IV 32)

Dans le R.V.A. à l'article 7, nous lisons : « Dans l'esprit de Don Bosco, le Coopérateur …. veut suivre le Christ Jésus, Homme parfait, envoyé par le Père pour servir les hommes dans le monde. En conséquence, il s'efforce de réaliser, dans les conditions ordinaires de la vie, l'idéal évangélique de l'amour de Dieu et du prochain…. »
« Dans les conditions ordinaires de la vie, il s'efforce de réaliser l'idéal évangélique de l'amour de Dieu et du prochain » , sans doute, avez-vous déjà réfléchi à ce thème de la « communion entre frères » mais je pense que nous ne l'avons jamais épuisé et nous sentons combien notre monde en a besoin aujourd'hui, combien les jeunes en ont besoin et combien il est difficile de vivre cette vraie fraternité, cette communion au quotidien.

Donc nous allons , timidement mais sûrement, emprunter quelques voies de la communion en passant : du préjugé à la solidarité, pour aller au cœur de la communion et la traduire dans notre vie.

a)- Du préjugé à la solidarité :

J'ai fait un rêve : que mes quatre enfants vivront un jour dans un pays où ils ne seront plus jugés sur la couleur de leur peau mais pour ce qu'ils sont.. M.L. King

En juillet 1986, Jean-Paul II est en Colombie, à Popayan. Dans la foule innombrable, des milliers de pauvres indiens. L'un d'eux monte sur le grand podium, pieds nus. Avec peine, comme un enfant, pour prononcer des mots en espagnol, il raconte une histoire terrible, celle de la conquête de sa terre, cinq siècles auparavant. « La peau de nos pieds, disait-il, s'est durcie dans la fuite dans les montagnes et la forêt, devant l'envahisseur. » Et il poursuit en parlant d'une partie de l'Eglise, du clergé, qui était contre les Indiens, du côté des patrons des terres. A ce moment-là, un prêtre, sur le podium du pape, va prendre le micro des mains de l'Indien. et dit : « Ca suffit » Le visage de Karol Wojtila s'assombrit, il s'empare du micro et dit : « je dois dire à mes très chers Indiens que je ne sais pas pourquoi on a interrompu leur représentant ». Il rappelle l'Indien et, quand il a fini de parler, il l'embrasse.

Aujourd'hui, les marginalisés, les étrangers , les minorités de toutes sortes, les jeunes cassés, rejetés, exploités sont présents partout et chez nous aussi…. Ils sont de plus en plus nombreux à cause des violations des droits de l'homme dues à des politiques économiques, des techniques injustes…dues à de multiples causes… Ceci n'est pas un problème qui ne regarderait que les institutions mais c'est un problème qui nous interpelle individuellement et en tant qu'association.

La voie de la communion demande à être purifiée des préjugés, notre regard a besoin d'être lavé pour voir positif. Il ne s'agit pas d'ignorer les différences ou d'oublier notre identité propre, bien au contraire, c'est justement à partir d'une plus grande prise de conscience de nos racines évangéliques et salésiennes, de notre appartenance ( l'article 1 du Congrès souligne ce sens d'appartenance) qu'il nous sera possible d'accueillir l'autre différent en ne reniant rien de ce que nous sommes.

En ce sens, le cardinal Martini, ancien archevêque de Milan , nous donne une leçon de vie. Habitant maintenant à Jérusalem, où deux peuples aux religions et aux cultures différentes se disputent depuis des années le territoire à coups d'action d'extrême violence, il s'est mis en prière, avec le geste de Jésus sur la croix , ouvert à une double solidarité : « Intercéder, c'est être là, sans bouger, sans issue, en essayant de poser la main sur les épaules de chacun , de part et d'autre, et en acceptant le risque de cette position ». Se placer donc à l'intérieur, ne pas juger de loin. « Naturellement, dit-il, une telle attitude ne fait absolument pas l'impasse sur les exigences de la justice. Je ne pourrai jamais mettre sur le même plan les assassins et les victimes, mais quand je regarde les gens, personne ne m'est indifférent, je ne hasarde sur personne un jugement intérieur et je ne choisis pas non plus de me mettre du côté de ceux qui souffrent pour maudire ceux qui font souffrir ».

Une telle attitude, que seul l'Esprit peut nous pousser à assumer, nous est demandée chaque jour, dans les petites décisions quotidiennes…chercher à comprendre, ne pas juger, passer du préjugé à la solidarité personnellement et en tant qu'association, que mouvement spirituel.

b)- Vers le cœur de la communion

François est un enfant de la pampa argentine. Il aime sentir les parfums de la campagne et son regard se pose sur les larges horizons de sa terre. Un jour, son papa l'accompagne à la découverte de la mer. Ils quittent la voiture à 300 mètres du rivage l'océan n'est pas encore visible, caché par les arbustes de la pampa. A un certain moment, les arbustes se raréfient et l'océan apparaît. Extasié, perdu dans son émerveillement, François s'arrête en silence et murmure à son père : « Aide-moi à regarder ! ». 
« Aide-moi à regarder ! »
Devant la beauté et le mystère de l'Eucharistie, du Pain de Vie, il nous faut aussi demander de l'aide pour comprendre. Car c'est là le cœur de la spiritualité de communion. C'est à partir de cette mystérieuse demeure de Dieu en nous et de nous-mêmes en Dieu que nous vient cette capacité de relation qui est le premier et le grand commandement de l'Evangile ( que nous rappelle l'article 7 du R.V.A.)

Il est assez étonnant de constater que l'invitation à dîner traverse les pages du Nouveau Testament. C'est l'appel à la convivialité, c'est l'appel à ajouter une place pour celui qui est loin , exclu, pauvre…En nous demandant de manger son pain, Jésus nous invite à nous mettre à la disposition de ceux /celles que nous aimons et, plus encore, de ceux/celles qui ont besoin d'être aimés.

Je reprends encore l'article 7 du R.V.A.« Le coop. s'efforce de réaliser , dans les conditions ordinaires de la vie, l'idéal évangélique de l'amour de Dieu et du prochain. Il le fait, animé par l'esprit salésien, accordant en toute occasion une attention privilégiée aux jeunes en difficulté….. » sous-entendu ceux qui sont moins aimés et parfois moins aimables….

L'Eucharistie est la voie royale de la communion. Comme le dit St. Paul «  ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi ». Oui, c'est le Seigneur de la vie qui nous habite, nous modèle, vit en nous. .Nous savons combien Don Bosco et Marie-Dominique rappelaient l'importance de l'Eucharistie et en vivaient. Ils savaient que là était la source de l'amour …

c) - Cette communion, disons-la par notre vie…

Il y a quelques années, aux para-olympiades de Seattle, neuf athlètes, tous handicapés mentaux ou physiques, étaient prêts sur la ligne de départ des 100 mètres. Au coup de pistolet, ils commencèrent la course. Tandis qu'ils couraient, un petit garçon tomba sur l'asphalte et commença à pleurer. Une des athlètes, adolescente mongolienne s'assit près de lui. Les huit autres s'arrêtèrent et revinrent en arrière. Cette adolescente lui donna des baisers en lui disant : « Maintenant, tu vas mieux » ?…Alors tous les neuf s'embrassèrent et marchèrent vers le but. Tout le monde, dans le stade, se leva et les applaudissements continuèrent pendant plusieurs minutes…..
Vivre la communion au concret, dans le quotidien, c'est aider les autres à marcher, à vaincre même si cela entraîne un ralentissement de la course personnelle. Vivre la relation aux autres, la communion, demande du temps, de l'écoute, de l'accueil pour la fragilité, la faiblesse qui nous marque tous… Vivre la relation , cela demande de la tendresse, de la compassion..

Certains spécialistes contemporains de pédagogie pensent qu'aujourd'hui l'éducation devrait contribuer à former des individus ayant d'évidentes capacités relationnelles qui aient au fond d'eux -mêmes :
- un « Moi-Hospitalier » (accueillant, parlant, communicatif), capable de réciprocité…
- un « Moi-Responsable » (coopérant, démocrate), doué d'une forte conscience civique)
- un « Moi-Nomade » (voyageur, créatif, ludique,) ouvert à la mondialité, à la transcendance.

Don Bosco et Marie-Dominique devaient avoir ces trois « Moi » en eux. Et nous ?…Il me semble qu'à travers ces « trois Moi » nous retrouvons les trois piliers chers à Don Bosco : Raison, religion, amorevolezza.

Dans le n°43 « Un nouveau millénaire », Jean-Paul II nous décrit, d'une manière très concrète, ce qu'est la spiritualité de la communion :
- Une spiritualité de la communion consiste avant tout dans un regard du cœur porté sur le mystère de la Trinité qui habite en nous et dont la lumière doit être perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés.
- Une spiritualité de la communion, cela veut dire, la capacité d'être attentif, dans l'unité du Corps mystique, à son frère dans la foi, le considérant comme « l'un des nôtres » pour savoir partager ses joies, ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde.
- Une spiritualité de la communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu'il y a de positif dans l'autre , pour l'accueillir et le valoriser comme un don de Dieu : « un don pour moi ».
- Une spiritualité de la communion, c'est enfin savoir « donner une place » à son frère en portant « les fardeaux les uns des autres », en repoussant les tentations égoïstes qui, continuellement, nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousies…   Il termine ce passage en disant : Ne nous faisons pas d'illusions : sans ce cheminement spirituel, les moyens extérieurs de la communion serviraient à bien peu de choses. Ils deviendraient des façades sans âmes, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance.

Je terminerais par quelques passages de deux articles du R.V.A.
L'article 19 du RVA 1er paragraphe : La commune vocation et l'appartenance à une même association font des Coopérateurs autant de frères et de sœurs spirituels. « N'ayant qu'un cœur et qu'une âme », ils vivent dans la communion fraternelle, unis par les liens caractéristiques de l'esprit de Don Bosco…
L'article 28 du RVA au 1er paragraphe dit : « le centre et la synthèse de l'esprit salésien, c'est cette « charité pastorale » que Don Bosco a vécue en plénitude, rendant présents parmi les jeunes l'amour miséricordieux de Dieu Père, la charité salvifique du Christ Pasteur et le feu de l'Esprit qui renouvelle la face de la terre. »
Il continue au 2e paragraphe : « cette charité est, dans le Coop. don qui l'unit dans un même mouvement à Dieu, qu'il veut servir avec humilité et joie, et aux jeunes qu'il veut sauver avec un amour de prédilection…. »

Et en conclusion, cette parole du Recteur Majeur citée le 13 février à Lyon …. « Il existe une caractéristique de la modernité, c'est l'individualisme. On prêche en effet à satiété qu'il faut être soi-même, montrant davantage l'originalité que la véritable identité personnelle. Ici aussi, la vie chrétienne devrait oser proposer, face à cet égoïsme intolérable, une « culture du relationnel, de la communion, de la solidarité ».


Le cœur à l'ouvrage  La joie de naître  L'esprit salésien et la communion des frères 
L'esprit salésien et la mission L'esprit salésien et l'intériorité Etrenne 2005  Colportages 

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