06 juillet 2008

Prends ma main. Ne la lâche pas.

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J’écouterai ce que tu veux me dire. Si tu préfères te taire, j’entendrai ton silence. Si tu ris, je rirai avec toi. Si tu es triste, j’essaierai de te consoler. Je ferai pour toi des bouquets de soleil. J’allumerai des feux de joie, là ou chacun ne voyait plus que cendres.  Si je n’ai qu’une rose, je te la donnerai.  Si je n’ai qu’un chardon, je le garderai pour moi.  Je te donnerai ce qui te plait, ce qui te rassure le plus, ce que je possède.  Si je ne le possède pas, j’essaierai de l’acquérir.
 
Donne-moi la main. Nous irons où tu voudras.
 
Je te ferai entendre la musique que j’aime.  Si lu ne l’aimes pas,    j’écouterai la tienne. J’essaierai de l’aimer.  Je t’apprendrai ce que je sais. Tu m’apprendras ce que tu sais. 
 
Prends ma main. Cinq doigts refermés autour des nôtres, c’est le plus beau cadeau du monde. Cela nous préserve de la peur, de l’abandon, du doute. Une main offerte, c’est un nouveau monde.  Deux bras     ouverts, c’est le miracle. 
 
Je te prêterai un peu de ma folie. Enseigne-moi un peu de ta sagesse, un peu mais pas trop.  Quand tu me verras raisonnable, si je le deviens jamais, rends-moi un peu de ma folie. Empêche-moi de m’éteindre, je t’empêcherai de te brûler, pour rien, aux feux des pilleurs d’épaves. Efface de ma vie les gestes inutiles, les gestes sans amour. Il n’y a plus de gestes inutiles quand ils servent à la joie.
 
Ce que je t’offre aujourd’hui, c’est quelque chose que ni le temps ni les rides ne pourront abîmer, C’est mon cadeau à moi, le seul que je puisse t’offrir, le seul que tu attendes peut-être. C’est le don de ceux qui ne peuvent vivre sans aimer.
 
Prends ma main,
apprenons en ce jour le chemin qui mène à la tendresse...

extrait de "Chemins Salésiens" - Juin 2001

05 juillet 2008

VIVRE LES QUESTIONS

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Je voudrais, aussi bien que je le puis, vous prier d’être patient envers tout ce qu’il y a d’irrésolu dans votre cœur et d’essayer d’aimer les questions elles-mêmes comme des chambres fermées, comme les livres écrits dans une langue étrangère. N’allez pas chercher maintenant les réponses qui ne peuvent vous êtes données puisque vous ne pourriez pas les vivre. Et il s’agit de tout vivre. Vivez maintenant les questions. Peut-être en viendrez-vous à vivre peu à peu, sans vous en rendre compte, un jour lointain, l’entrée dans la réponse.
 Rainer Maria RILKE, poète - Extrait de « Lettres à un jeune poète »

03 juillet 2008

UN ROI SANS PUISSANCE

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Il dit qu’il est la vérité.
 
C’est la parole la plus humble qui soit. L’orgueil, ce serait de dire: la vérité, je l’ai. Je la détiens, je l’ai mise dans l’écrin d’une formule. La vérité n’est pas une idée mais une présence. Rien n’est présent que l’amour. La vérité, il l’est par son souffle, par sa voix, par sa manière amoureuse de contredire les lois de pesanteur, sans y prendre garde.
 
Que des millions d’hommes se soient nourris de son nom, qu’ils aient peint son visage avec de l’or, fait retentir sa parole sous des coupoles de marbre, cela ne prouve rien quant à la vérité de cet homme. On ne peut accorder crédit à sa parole en raison de la puissance historique qui en est sor­tie: sa parole n’est vraie que d’être désarmée.
 
Sa puissance à lui, c’est d’être sans puissance, nu, faible, pauvre, mis à nu par son amour, affaibli par son amour, appauvri par son amour.
 
Telle est la figure du plus grand roi d’humanité, du seul souverain qui ait jamais appelé ses sujets un à un, à voix basse de nourrice. Le monde ne pouvait pas l’entendre. Le monde n’entend que là ou il y a un peu de bruit ou de puis­sance. L’amour est un roi sans puissance, Dieu est un homme qui marche bien au-delà de la tombée du jour.
 Christian  BOBIN, écrivain.

Extrait de « l’homme qui marche », éd. Le temps qu’il fait

26 juin 2008

Devenir un seul pain, un seul corps.

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Ce pain que vous voyez sur l'autel, consacré par la parole de Dieu, c'est le corps du Christ.  Ce calice consacré par la parole de Dieu, ou plutôt ce qu'il contient, c'est le sang du Christ.  Dans ces éléments, le Seigneur a voulu transmettre à notre vénération, à notre amour, son corps et son sang qu'il a répandu pour la rémission de nos péchés.  Si vous les avez reçus avec de bonnes dispositions, vous êtes ce que vous avez reçu. L'Apôtre déclare: « Tous, nous ne sommes qu'un seul pain, un seul corps. » (lCo 10,17)
 
Ce pain vous rappelle combien vous devez aimer l'unité.  Ce pain a-t-il été fait d'un seul grain?  N'y avait-il pas d'abord une quantité de grains de froment?  Avant de prendre la forme du pain, ils étaient séparés.  C'est l'eau qui les a unis après qu'ils aient été broyés . Si le froment n'est pas d'abord moulu et s'il n'est pas imbibé d'eau, on ne peut lui donner la forme du pain.  De même, il vous a fallu passer par l'humiliation des jeûnes et l'exorcisme des scrutins; puis vous avez été lavés par l'eau du baptême qui vous a pénétrés, pour vous faire prendre la forme du pain.  Mais on ne peut faire de pain sans feu . Par quoi le feu est-il ici représenté?  Par le saint chrême, car l'huile qui alimente notre feu, c'est le sacrement de l'Esprit Saint... L'Esprit Saint vient donc ici comme le feu après l'eau; et vous devenez ce pain qui est le corps du Christ. Ce sacrement est donc comme un symbole de l'unité...
 
Quelle grandeur dans ce sacrement!  Serait-il moins digne de ton respect parce que tu l'as sous les yeux?  Ce que tu vois passe; ce qu'il signifie, étant invisible, ne passe pas; cela demeure... La réalité signifiée par ce sacrement demeurera éternellement, bien que les signes extérieurs, qui sont consumés, semble passer.
 Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l'Église.  Sermon 227 (Aux enfants, sur les sacrements)

25 juin 2008

Non pas par violence mais par persuasion

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      Nulle puissance humaine ne peut forcer le retranchement impénétrable de la liberté d'un cœur.
 
      Pour Jésus Christ, son règne est au-dedans de l'homme, parce qu'il veut l'amour. Aussi « n'a-t-il rien fait par violence, mais tout par persuasion », comme dit saint Augustin. L'amour n'entre point dans le cœur par contrainte : chacun n'aime qu'autant qu'il lui plaît d'aimer. Il est plus facile de reprendre que de persuader ; il est plus court de menacer que d'instruire ; il est plus commode à l'impatience et à la hauteur humaine de frapper sur ceux qui résistent, que de les édifier, que de s'humilier, que de prier, que de mourir à soi, pour leur apprendre à mourir à eux-mêmes. Dès qu'on trouve quelque mécompte dans les cœurs, chacun est tenté de dire à Jésus Christ : « Voulez-vous que nous disions au feu de descendre du ciel pour consumer ces pécheurs indociles » ? Mais Jésus Christ… réprime ce zèle indiscret.
 
      ... Toute indignation, toute impatience, toute hauteur contraire à cette douceur du Dieu de patience et de consolation est une rigueur de pharisien. Ne craignez point de tomber dans le relâchement en imitant Dieu-même, en qui « la miséricorde s'élève au-dessus du jugement »
 Fénelon (1651-1715), archevêque de CambraiDiscours prononcé au sacre de l'Électeur de Cologne, second point ; in Oeuvres (1823), t 17, p. 161-163