"prendersi cura"


" l'art de prendre soin de l'autre "       Marie-Dominique Mazzarello


LE STYLE EDUCATIF DE MARIE-DQMINIQUE
ET DE LA PREMIERE COMMUNAUTE:
UN DON POUR  L'EGLISE
.


L'ART DE "PRENDRE SOIN" DE L'AUTRE, AVEC SAGESSE ET AMOUR

"Prendersi cura", l'art de prendre soin de l'autre, voilà sans doute ce qui définit le mieux la 1ère F.M.A en tant qu'éducatrice et mère.

A une jeune soeur qui part pour l'Amérique, laissant sa petite soeur à Mornèse, Marie-Dominique écrit:

"Sois tranquille, que j'en ai grand soin"  (lettre 25, 8)

Ou bien encore à Francesco Bosco qui a ses trois filles étudiant à Mornèse:

"Soyez tranquille, nous en prenons tout le soin possible, soit pour la nourriture, soit pour la santé."

                                                           (lettre 10, 3)

De Clémentine, la dernière arrivée, elle écrit:

"Dites à sa maman qu'elle soit sans inquiétude, que nous prenons soin de la faire grandir saine et sainte. (lettre 8.2)

"Prendre soin" de l'autre, c'est bien plus que seulement soigner.  C'est une manière D'ÊTRE, une attitude globale qui englobe l'éducation de toute la personne.  Cela inclut la dimension affective - intellectuelle - spirituelle - relationnelle - éthique. 

"Prendre soin" de l'autre, c'est accueillir la vie et se mettre à son ser-vice inconditionnellement.  Cela requiert plus que purement le professionnalisme, mais une disposition intérieure à mettre son propre bonheur dans celui des autres.


Marie-Dominique se définit comme:  "la mére qui vous aime tant"  (lettre 63, 5)  ou encore:  "je  suis prête à tout faire pour votre bien"  (lettre 52, 4)

Le rythme de la vie de Marie-Dominique se modèle sur "l'être en relation".  En elle se sont réduits au minimum les espaces de sa vie privée.  Sa vie est toute donnée à l'autre"Prendre soin" de l'autre, est une dimension typique de la féminité et de la maternité.

Pour une mère, vivre, c'est aider à vivre, c-à-d promouvoir la personne dans toutes ses dimensions. Cela demande cette prise de conscience de la valeur de la personne et vouloir qu'elle tire le meilleur d'elle-même.  Cela demande un regard valorisant prêt à accueillir les richesses et les limites de la personne.  C'est avoir cette capacité d'accueillir l'autre pour ce qu'il est vraiment.

Cette manière de "prendre soin" de l'autre requiert une demeure vierge dans le sens où l'authentique "prendre soin" conduit à éviter toute sorte d'instrumentalisation de la personne, mais ouvre à la gratuité, au don de soi inconditionnel, à la joie...

C'est aimer sans posséder, c'est servir sans dominer.

C'est une attitude propre de l'adulte qui engendre la vie.  L'adulte non seulement participe à la naissance de l'être humain, mais surtout promeut sa propre croissance et l'affirmation de sa personne.

"A l'adolescence nous découvrons les choses que nous voulons faire et qui nous voulons être (...)  Quand nous sommes jeunes, nous apprenons à reconnaître avec qui nous voulons vivre dans le travail et la vie privée (...)  A l'âge adulte, au contraire, nous apprenons à reconnaître de qui et de quoi nous voulons "prendre soin".  (Erickson)

1. La priorité de la personne

Ceci est un critére de première importance dans l'oeuvre éducative de Marie-Dominique.

"Sois tranquille que j'en ai tout le soin... Aussi bien dans la nourriture que dans le soin de leur personne."              (lettre à F. Bosco)

Ces expressions évoquent des attitudes de délicatesse, de respect, de progression, de vigilance infatigable; éléments indispensables pour une action personnalisée qui est l'oeuvre éducative.

L'éducation exige des interventions individualisées,
c'est aider l'autre à :
- une adhésion intérieure et libre aux valeurs
- croître en humanité
- devenir toujours plus soi-même


Sur telle réalité, se greffe le "soin" et le "guide", la proposition, de l'éducateur qui se réalise sans arrêter ou amoindrir les potentialités de croissance et de développement présent en chaque personne.

En lisant les annales de l'Institut, nous pouvons nous apercevoir que Marie-Dominique vit un rapport éducatif avec des filles venant de milieux et intérêts différents: jeunes filles de la campagne, exubérantes, engagées, désireuses d'accéder à la culture et à la maturité chrétienne, aimant s'amuser et danser...
D'autres jeunes filles venant de la ville ou de situations familiales désavantagées, difficiles, se laissant prendre facilement par la vanité, l'orgueil, et de tentation moralement dangereuse.

Nous  connaissons  tous  l'histoire  d'Emma Ferrero arrivée à Mornèse le 8 décembre 1877 avec sa soeur Cliva.  Agée de 18 ans, elle a déjà connu une vie libre: théâtre, bals, compagnies...  Jusqu'au jour où le père faisant faillite recourt à Don.Bosco pour être aidé.  C'est ainsi qu'Emma pour s'épargner la honte et pouvoir étudier, accepte de venir à Mornèse.  Cependant une révolte intérieure gronde chez Emma, sourire en coin, ironie, impertinence sont ses réponses à toute personne voulant s'approcher d'elle.

Marie-Dominique,  avec  une  infinie  patience attend qu'Emma s'habitue à son nouveau milieu de vie et y trouve finalement sa place.  Au début, elle ne lui dit rien, ne la réprimende pas, ne la condamne pas, ne lui impose rien et ne se décourage pas devant ses réactions impulsives et provocatrices.  Au contraire, elle l'entoure de respect, conciliant en elle, l'accueil maternel et la fermeté éducative.

Après 7 mois, Emma décide de changer de vie et en présence de toutes, brûle tous ce qu'elle possède.

"sereine, calme, comme quelqu'un qui obéit à une voix intérieure."                     (Annales II, 331)

Emma se sent accueillie et aimée pour ce qu'elle est réellement.  Aimée, elle comprend aussi qu'en elle il y a la possibilité de changer de vie.  La personne pour Marie-Dominique n'est pas mauvaise par nature, mais elle est réceptive, sensible, capable d'enthousiasme pour le bien.  C'est donc la personne qui est acteur de sa croissance avec la guidance discrète de l'éducateur.


Marie-Dominique  voit  dans  la  femme,  les ressources positives qu'elle porte et ne desespére jamais de ses possibilités d'amélioration.

En "prenant soin" de l'autre, Marie-Dominique veille à toutes les dimensions de la personne: nous la trouvons délicate dans le "prendre soin" d'une enfant aux mains gonflées par les engelures, attentive envers une jeune soeur qui, au cours de la nuit, a besoin d'une tasse de lait, ou envers une jeune fille qui a droit à un prix parce qu'elle a bien chanté.

Marie-Dominique reste aussi attentive à donner aux jeunes filles une formation catéchétique et culturelle.

Elle  reste ferme dans  la  correction  des impulsions, de la vanité ou de l'orgueil.

Elle sait exiger un engagement et une vigilance pour ne pas céder à la médiocrité, à la mollesse...

Marie-Dominique possède cette grande capacité de discernement "intelligent" et "surnaturel" des situations et surtout "du coeur des jeunes", condition indispensable pour un rapport éducatif correct.

Par une profonde intuition, elle est portée à connaître - accueillir avec sympathie, à se laisser prendre par les problèmes pénétrant le monde intérieur de chaque personne, pour la guider, l'encourager, la stimuler. Pour l'orienter jusqu'à ce qu elle atteigne sa pleine maturité.

Son style éducatif = croire en l'autre, acquiert, dans ce sens, le visage concret et vivant des jeunes pour lesquelles elle a le plus d'attention possible, et coïncide avec l'itinéraire de maturation duquel chacun est protagoniste.

Nous pouvons lire dans les annales les différents exemples de "transfigurations" (transformation intérieure et de vraie liberté) d'Emilia Mosca ..., dues à la vigilance de Marie-Dominique.

Nous pouvons constater les lignes d'un art éducatif mis TOTALEMENT au service de la promotion et de la croissance intérieure, concrétisée en interventions, opportunes, graduelles, pédagogiques et efficaces:

- elle les considére une à une, tenant compte du contexte familial, de l'âge, de leur capacité, de leur rythme de croissance.
- elle cherche à les connaître dans leur problème et aspiration suscitant le DIALOGUE et l'OUVERTURE.
- elle les contente dans tout ce qui n'est pas mal ou péché
- elle pose savamment différents actes pour gagner leur confiance, manifestant confiance et estime.
-  elle les aide à reconnaître ce qu'il faut améliorer ou développer.
- elle leur fait des propositions positives des valeurs auxquelles leur vie peut s'ouvrir leur apportant PAIX - JOIE - LIBERTE.

Marie-Dominique est une éducatrice qui n'adopte pas le mode REPRESSIF, mais est toute disposée à découvrir le bien, à le
libérer, à construire, à servir.

EDUQUER = construire et potentialiser le bien présent en chaque personne.

Pour cela, pas besoin d'instruire ni de conditionner de l'extérieur avec des interventions et des dispositions disciplinaires.  Ni insérer la personne dans un lieu où elle est protégée du mal et des occasions négatives.

EDUQUER = c'est aussi oeuvre de lieu et de médiation de personnes.  Croissance intérieure, développement graduel souvent fatigant.

C'est SE VAINCRE SOI-MEME et "éviter" les tendances négatives pour être vraiment LIBRE D'AIMER ET DE SERVIR.

A  Mornèse,  chaque  personne  se  sent INDIVIDUELLEMENT rejointe - accueillie - estimée  "PRIVILEGIEE"

"Seulement celui qui l'a vécu peut s'en faire une idée, il me semblait être seule dans cette maison."

2. Une pastorale vocationnelle

Dans le projet éducatif de Marie-Dominique, il y a UNITE.  Son secret n'est pas celui de fixer seulement des principes théoriques, des directives ascétiques, mais de faire rencontrer une personne vivante:  JESUS-CHRIST.

Durant sa jeunesse, Marie-Dominique a reçu un clin d'oeil de confiance de la part de Dieu, qui à travers une voix mystérieuse la rejoint et lui dit:

"Je te les confie."                     (Annales I, 96)

Dans sa vie, cet appel résonne en elle et modèle sa façon et son style d'approche auprès des jeunes.

Pour Marie-Dominique, l'éducation est un travail de collaboration avec Dieu en Christ qui sauve l'homme, et qui veut prendre soin de nous à travers des médiations humaines.

La réponse que Marie-Dominique donne à l'appel de Dieu, nous dit son attitude de docilité à Celui qui veille avec la tendresse d'un père sur ses enfants.

Sa réponse donnée, Marie-Dominique cherche le mode le plus approprié pour aller vers les jeunes.  Elle entreprend, avec son amie Pétronille, d'apprendre à coudre.

Dés que nous serons un peu dégrossies, et que nous pourrons nous débrouiller toutes seules, nous quitterons le tailleur, nous louerons une chambre à notre compte, nous accepterons quelques filles qui voudront apprendre à coudre et nous le leur enseignerons, mais le but principal, souvenons-nous en bien, sera de les éloigner des dangers, de les rendre bonnes et surtout de leur apprendre à connaître et aimer le Seigneur."

Pour Marie-Dominique, il s'agit dès lors, d'une éducation qui prend en compte toutes les dimensions de la personne de la jeune.

La finalité de l'éducation est d'AIDER LES JEUNES OU LES SOEURS A REPONDRE A LEUR VOCATION PROPRE ET AU PROJET DE DIEU POUR ELLES.

Cette finalité est vraiment ce qui sous-tend l'action éducative de Marie-Dominique, le "prendersi cura" des jeunes.

Le but est d'attirer à Dieu, parce que seulement en Lui se trouvent la signification et la plénitude de l'existence.

Pour Marie-Dominique, vivre c'est faire du bien, le bien maximum, c'est-à-dire former des femmes chrétiennes.

"conduire beaucoup d'âmes au Christ."(lettre 4, 12)

Pour elle une chose est importante, le catéchisme. Elle a l'art de faire entrer dans le discours "DE" Dieu ou "SUR" Dieu, dans le quotidien, insinuant qu'il suffit de peu pour être heureux et saint.  Dieu est le Seigneur, le Patron de la maison.  L'homme est créé pour le connaître et l'aimer, sur la terre et dans l'éternité.  La vie, est le passage vers la patrie céleste.  Pour qui marche sur la route juste et vit dans la charité, c'est déjà une anticipation du paradis.

Cette  recherche de l'essentiel lui donne la possibilité de dépasser la banalité, les contraintes et les mesquineries rencontrées dans la vie.  Elle l'aide à dépasser l'imagination qui déforme la réalité, et à vivre dans la vérité avec simplicité et naturel. (Ex : lettre 49, aux soeurs de St Cyr)

Cette voie éducative est particulièrement urgente pour notre temps: dans nos cultures, les propositions culturelles très différentes, et parfois même contradictoires, portent en elles le risque du relativisme, de la fragmentation.

"Certaines fois, parce qu'on accorde de l'importance à des petites choses, on en laisse passer de grandes."              (lettre 22, 2)



La soif de connaître Dieu et le faire connaître accompagne la vie de Marie-Dominique et imprègne toute sa proposition éducative.  Elle, la première, fait cette expérience, en profondeur, d'un Dieu passionné de l'homme et de son bonheur.

"(...) quand Dieu est avec nous, tout va bien..."                                     (lettre 42,3)
"Abandonnez-vous entièrement à lui et soyez certaines qu'il fera ce qui est le mieux pour votre âme."          (lettre 54, 3)

Dans cette recherche continuelle et joyeuse de Dieu, Marie-Dominique ne tombe pas dans le "surnaturel" mais éduque au concret de l'engagement, à la volonté vraie et cohérente.  Il est dit dans la bible:
"Mais si vous ne tenez à moi, vous ne tiendrez pas."  (Isaïe 7, 9)

L'attitude de sérénité profonde de Marie-Dominique, est directement liée à son attitude de confiance fondée sur le Roc de sa vie et de son amour.  C'est ainsi que confiante, elle n'a pas peur de son avenir.

"Jésus doit être toute notre force."     (lettre 37, 12)

Parce qu'elle, la première, possède toute cette stabilité intérieure, elle peut rassurer les autres et transmettre confiance - espérance - joie communicative.

La présence de Dieu n'absorbe pas son amour en mode intimiste, mais devient tremplin de relation vers les autres et vers des horizons toujours plus vastes.        A SUIVRE

Avec les yeux de la bonté - Comment vas-tu, Jérusalem? - La page blanche - "Prendersi cura" - Ami des hommes, amant de Dieu - Un 24 mai à Ampsin - La promesse - Sur les pas de Jean Bosco (5) - Cooperatores - Cl@ir et net - Sens à déchiffrer.

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