13 novembre 2010

L’ange du renoncement

 

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L’ange du renoncement n’a pas la tâche facile de nos jours. Bien des gens en effet associent le mot de renoncement à une morne ascèse. Et pourtant, Dieu veut que nous ayons la vie dans toute sa plénitude. Pourquoi donc renoncer ? Ne s’agit-il pas aujourd’hui de consommer le plus possible, de s’accorder le plus d’agréments et de jouissances possible ? Nous avons bien sûr quantités d’exemples de gens qui, à force de renoncements, sont devenus insupportables. Mais est-il absolument inévitable que le renoncement entraîne une attitude d’hostilité à la vie ?

Renoncer, cela veut dire, en fait, cesser de revendiquer quelque chose qui en principe me revient. Le but en est d’accéder à la liberté intérieure. Celui qui veut avoir tout ce qu’il aperçoit vit dans un état de dépendance totale, il est déterminé du dehors, privé de liberté.

Le renoncement, c’est l’expression de la liberté intérieure. Si je sais renoncer à quelque chose qui me fait normalement plaisir, je suis libre. Le renoncement peut être un entraînement à la liberté. Si par exemple je renonce pendant le carême à l’alcool et à la viande, je m’y entraîne. J’essaie, pour voir si j’arrive à passer six semaines sans boissons alcoolisées, sans viande, sans tabac, sans télévision, voire sans café.

Si je réussis, je me sens bien ; j’ai le sentiment  de n’être pas simplement l’esclave de mes habitudes, que je n’ai pas un besoin absolu de ces stimulants : je me sens libre. Or, notre dignité d’hommes implique la liberté. Si, étant fatigué, j’ai l’impression d’avoir besoin de café, maintenant, tout de suite, c’est que je tombe dans la dépendance, et, en fin de compte, cela m’irrite : je perds ma dignité d’être capable de disposer de lui-même, ce sont plutôt mes besoins subjectifs qui disposent de moi.

A l’occasion d’une émission télévisée sur le thème « Renoncer au plaisir, ou se l’accorder, ou les deux ? », j’ai été interrogé sur ce point, en ma qualité de moine, en même temps qu’un spécialiste de la question et qu’une sexologue. Tous les trois, nous nous sommes trouvés d’accord pour estimer qu’il n’y avait pas de plaisir sans renoncement. Celui qui veut seulement le plaisir ne l’obtiendra pas. Je peux déguster sans problème une part, deux parts de tarte ; mais à la quatrième au plus tard, il ne s’agit plus de plaisir, je ne fais plus que m’enfourner la tarte. Bien des gens aujourd’hui sont devenus incapables d’éprouver du plaisir parce qu’ils ne savent plus renoncer.

Autrefois, c’était plutôt l’inverse. Bien des chrétiens se sont systématiquement privés de plaisir en menant une vie ascétique à l’excès ; pour eux, le plaisir était en soi quelque chose de suspect. Ce point de vue était tout aussi étroit que celui qui consiste aujourd’hui à vouloir tout avoir. L’avidité empêche le plaisir.

Je te souhaite, ami lecteur, d’être conduit par l’ange du renoncement à la liberté intérieure ; qu’il te rende capable de goûter vraiment ce qu’il t’est donné de vivre, d’être tout entier à ce que tu es en train de faire, de sentir pleinement le goût de ce que tu manges, de ce que tu bois. Tu sentiras que cet ange est aussi celui du plaisir et de la joie, et qu’il te fera du bien.

En renonçant à ce qui te revient tout à fait normalement : manger, boire, regarder la télévision, par exemple, c’est toi-même que tu gagnes ; c’est ta vie que tu prends en main. Puisse cet ange t’initier à l’art de vivre par toi-même, de disposer librement de toi-même et prendre ainsi plaisir à la vie.

... un moine

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