Un fleuve qui coule toujours...
Au moment où vous découvrez cette publication, empruntons à saint François de Sales la première phrase de son livre le plus célèbre: L'Introduction à la vie dévote "mon cher lecteur, je te prie de lire ceci pour ta satisfaction et la mienne... " et gardons tout au long de ces pages, son incomparable esprit de dialogue.
Cet album est consacré à ce grand saint, mais aussi au courant spirituel qu'il a engendré Il n'a pas seulement pour but de faire lire les ouvrages d'un Docteur de l'Église, fut-il le plus récent et le seul qui ait écrit en langue française; de faire connaître les groupements de laïcs ou de religieux qu'inspire sa spiritualité; de répandre la dévotion à ce saint Lucide, courageux et bienveillant à tous; d'aller chercher, à un tournant de l'histoire particulièrement troublé, un modèle de foi, d'équilibre, d'optimisme et de charité dynamique pour notre temps: tout cela peut être bénéfique; mais il y a plus.
D'entrée de jeu, disons clairement ce que vous remarquerez vous-même au fil de ces pages: à travers la vie, les écrits et les actes de ce saint Evêque et ce que d'autres ont fait, sous son inspiration, au gré des besoins du temps - des Visitandines cloîtrées aux jeunes ouvriers ou étudiants, ou aux laïcs de tout genre engagés en plein monde - ce qui fait l'unité et l'identité salésiennes n'est pas un système bien organisé et invariable, mais un esprit, un amour bien concret du Christ et de l'Homme (les deux pôles si chers à Jean-Paul II), une spiritualité souple et libre, mais ardente, pénétrant tout ce qu'elle touche. Or, cela continue de vivre, de nos jours, coulant de la même source, remplissant la même mission, offrant "l'eau-vive" du salésianisme, comme un fleuve intarissable.
Le salésianisme n'est pas du passé.
Il fait partie du patrimoine actuel de notre Église: message et mission spirituelle qui se transmettent par des livres, mais plus encore par les hommes qui les vivent. C'est l'une des facettes de l'Évangile, qui est si riche que seuls Jésus-Christ et l'Église, prise en sa totalité, le réalisent tout entier. A chacun de nous revient d'en refléter au moins une part, et aux grandes familles spirituelles, authentifiées par l'Église, d'en être les facettes majeures et permanentes: tel est bien, parmi d'autres et sans opposition avec quiconque, le salésianisme.
Peut-on tenter d'analyser cette "eau-vive", d'esquisser, une première fois, l'essentiel d'une vie chrétienne authentique à la salésienne (ce qu'au temps de François de Sales on appelait la "dévotion" ) J'en proposerais pour guider un peu la suite de votre lecture, ces élements-clés:
. L'appel universel à la sainteté: l'Évangile en extension et en profondeur, offert et possible à tous, comme l'offrait Jésus, même aux plus simples et aux pécheurs. Cela mène de la conversion à la ferveur, sans jamais faire l'économie de la croix, mais d'une Croix qui est le lieu suprême de l'Amour incarné. Fréquenter et suivre François de Sales, c'est découvrir, en le vivant, qu'être disciple de Jésus-Christ n'est pas se charger d'un carcan ou prendre une route exceptionnelle praticable seulement à des êtres d'élite, en marge des autres, mais seulement et simplement réaliser "l'être plus" que Dieu a rêvé pour tous les hommes en les créant "à son image", quels que soient le point de départ et l'itinéraire.
. François de Sales jalonne, en effet, ce parcours évangélique en le situant là où il est accessible à tous: dans le cadre de la vie ordinaire et la douceur d'une amitié divine et humaine, à travers la diversité des devoirs d'état et des évènements. Pour cela, il met l'accent sur l'intériorité (la prière du cœur), la fréquentation affectueuse de Jésus-Christ, "en tout semblable à nous", et il entend que l'aimantation de notre boussole spirituelle soit maintenue avec courage et persévérance, sous l'influx de l'Esprit, en tous nos choix, vers la volonté de Dieu, du Dieu-amour.
. L'attitude essentielle sera, en permanence, de parier pour l'Amour: confiance en Dieu qui nous aime (qui ne peut vouloir que notre véritable bien), toujours apriori de réponse d'amour, envers Lui, nos frères et nous-mêmes. "Tout par amour, rien par force": tel fut Jésus-Christ; tel est le principe majeur de la méthode salésienne. Solution de facilité? Non pas, car rien ne pousse plus loin que l'Amour authentique, tel qu'il sort du cœur de Dieu. Risquer ce pari, entrer dans ce courant infini, baigner dans ce fleuve divin, c'est choisir ce qui pourra le plus nous changer, nous et le monde entier. Tel est le fondement de l'optimisme salésien.
. Concrètement et évangéliquement, le disciple de François de Sales se met à l'école et à la suite de Jésus "doux et humble de cœur", tel qu'il s'est défini lui-même, nous donnant l'ordre de l'être à notre tour, surtout si nous peinons sous le fardeau de la vie (Matthieu 11, 25-30). Accepter cela, le vivre, c'est continuer la mission du Sauveur, sous sa forme la plus simple et la plus universelle, celle qui épouse le mieux les possibilités et respecte le plus la liberté de tout homme: l'amour.
Puissent les pages que vous allez lire vous permettre de découvrir le jaillissement d'Évangile que saint François de Sales n'a pas inventé tout seul (il s'en défend lui-même ), mais peut être capté et offert d'une façon particulièrement adaptée à notre époque.
Ensemble, allons à la source et regardons couler le fleuve salésien.
Edmond LORDONNE
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Les grandes étapes de la vie de saint François de Sales
"Je suis savoyard de naissance et d'obligations".
Ainsi se définit lui-même François de Sales, et en cette fiche d'identité, tout son destin est enclos. Son père, co-seigneur de Sales et sa mère, Françoise de Sionnaz, appartiennent tous deux à la pure noblesse de Savoie, et depuis leur mariage portent le nom d'une bonne terre du pays, Boisy. Lorsque naît François, en 1567, le duché est déchiré par la guerre entre calvinistes (appuyés par Genève et Berne) et catholiques, certaines régions frontalières comme le Chablais, le pays de Gex, passent alternativement de mains en mains au hasard des combats ou au gré des trêves. Mais les ruptures sont surtout dans les familles, au fond des cœurs, plus encore que sur le terrain: eux, les Boisy ont opté fermement pour le Duc, et donc pour la religion catholique; François, dès qu'il peut saisir quelque chose des propos qui s'échangent autour de lui, plonge dans cette atmosphère d'une guerre, autant civile que religieuse. François est le premier-né des Boisy. Lorsqu'il vient au monde, sa mère a seize ans, son père quarante trois; un écart d'âge qui n'a rien alors d'étonnant, mais qui marque souvent le tempérament de l'enfant. Et puis il faut attendre neuf ans pour qu'il ait un petit frère: Gallois. Il sera longtemps ':fils unique".
Dès ses premières années, sa personnalité se révèle fort attachante. Ce charme consiste, semble-t-il, dans l'alliage en lui de qualités contradictoires: il est doux, mais volontaire, curieux de toutes choses (et Dieu sait qu'il y a à explorer dans les champs et les paysages qui enchâssent le château de Sales!) et très intériorisé; docile mais désireux de comprendre les ordres qu'il reçoit. Sainte-Beuve, dans le portrait, jamais dépassé, qu'il nous a laissé de François a bien saisi ce tempérament à contrastes: "A chaque caractère qu'on reconnaît en lui, il faudrait ajouter presque son contraire." Mais non par juxtaposition, par fusion, par insertion réciproque, l'un rectifiant l'autre, l'équilibrant, l'harmonisant. Que la grâce de Dieu s'en mêle, et François connaîtra un jour cet état d'âme qui sera un paradoxe à ses propres yeux: "il n'y pas d'âmes qui chérissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire à la bonne foi, plus amoureusement que moi... et pourtant ce qui n'est pas Dieu n'est rien pour moi". Là est la mystérieuse richesse de saint François de Sales. "C'est un oiseau rare" dira de lui Henri IV.
L'écolier
En 1523 - François n'a que six ans. M. de Boisy profite de ce que ses trois neveux de Sales s'en vont étudier à La Roche pour leur adjoindre François. Puis en 1575, le groupe des cousins revient à Annecy et s'inscrit au collège chapuysien. François y reste trois ans; c'est alors qu'il fait sa première communion et reçoit le sacrement de confirmation (1577). Il sait ce qu'il veut, ce garçon de 10 ans! Son père, constatant ses dons intellectuels, songe à l'envoyer étudier à Paris, en compagnie, toujours, de ses cousins. Soit! Mais auparavant, François demande à être" tonsuré": car au fond de son cœur, il a décidé "d'être d'Église". Et puis il a ses préférences pour le collège où il sera inscrit: son père veut le mettre au collège de Navarre, mais, lui, François sait (comment? par qui?) qu'au collège de Clermont, tenu par les Jésuites, "la piété est plus développée qu'au collège de Navarre". Et notre petit diplomate de mettre sa mère dans son jeu; M. de Boisy capitule.
Le premier séjour à Paris (1578-1588)
Six ans d' "Humanités" et d' "arts libéraux", en même temps que d'apprentissage des" arts de noblesse" (équitation, escrime, danse...). François, nous le savons, est un habile bretteur, un brillant cavalier, mais un danseur...? Puis, de 1584 environ à 1588, il s'adonne à la philosophie - et, à l'insu de son père, à la théologie, car il vise toujours au sacerdoce. C'est alors que, de par le programme de ces études, il a à scruter le mystère de la collaboration de la grâce divine et de la liberté humaine dans l'œuvre du salut, bref le problème de la prédestination. Comment ses maîtres de Sorbonne lui présentent-ils la pensée de saint Augustin et de saint Thomas d'Aquin sur ce sujet? Quoiqu'il en soit, voici que François se met à se poser la question: "Serai-je du nombre des élus? Ou serai-je damné ?". D'incertitude de l'esprit, l'alternative devient angoisse du cœur et retentit jusque dans la santé de François, il en maigrit, jaunit, dépérit (fin décembre 1586). Jusqu'au jour où, priant dans l'église de saint Etienne-des-Grès, il lance vers la Vierge de Bonne Délivrance, un "Souvenez-vous..." éperdu, qui le guérit instantanément. Guérison encore fragile, la crise resurgira à Padoue (1590-1591). Mais de cette longue épreuve, François finit par sortir vainqueur. Epreuve décisive, capitale. Ce jeune homme de vingt ans connaît là un des états les plus hauts de la vie mystique, un des plus purificateurs: le désespoir de l'amour; il doit, pour en sortir, faire l'acte d'abandon le plus héroïque qui soit: "Ah, quoi qu'il en soit, Seigneur, pour le moins, que je vous aime en cette vie si je ne puis vous aimer en l'éternelle..." ; des billets qui nous restent, Henri Brémond, orfèvre en la matière, a pu écrire: "Précieuse relique, moins haletante que l' amulette de Pascal, mais d'une richesse doctrinale bien supérieure". Or on sait que ce problème de la grâce et de notre liberté est l'un des points fondamentaux qui séparent calvinistes et catholiques et l'une des clés de l'humanisme chrétien. Dieu préparait son apôtre.
Tout cependant n'est pas aussi sombre en ces premières études théologiques de François. Il a la joie d'entendre le grand Génébrard commenter le Cantique des Cantiques, ce chant d'amour divin et humain inspire désormais sa pensée mystique.
Étudiant à Padoue (1588-1591)
Devant les succès scolaires de son fils aîné, M. de Boisy conçoit pour lui le plus bel avenir. Il le destine, ni plus ni moins, "à la longue robe rouge du sénateur", et, pour cela, il l'envoie étudier le droit à l'Université de Padoue, où rayonne alors le grand juriste, Pancirollo. François quitte donc Paris en été 1588, fait une courte halte en cette Savoie qu'il n'a pas revue depuis dix ans et parvient à Padoue. Il y reste trois ans, partageant son temps entre l'étude du droit (le civil et la canonique) et, toujours à l'insu de son père, de la théologie; dans ses loisirs, il s'intéresse fort" à la botanique et à la médecine". Pour sa vie spirituelle, il se confie à son maître le jésuite Possevin. C'est aussi à Padoue que les Théatins lui font connaître le livre de Scupoli: le Combat spirituel qu'il apprécia si fort qu'il le porta dans sa poche durant de longues années.
Le 8 septembre 1591, un jury que préside Pancirollo lui décerne le titre de Docteur, en le comblant d'éloges.
L'option de vie
En février 1592, François est de retour au château de La Thuile. Accueil triomphal est fait à ce fils aîné, à la fois juriste d'avenir et parfait gentilhomme, beau d'âme autant que de corps! M. de Boisy lui a "ménagé" une bibliothèque, et même un mariage très flatteur; pour commencer, il lui fait don de la seigneurie de Villaroget ; le Duc ne s'apprête-t-il pas à conférer à ce jeune homme de vingt-cinq ans, le titre envié de sénateur de Savoie? Sous l'avalanche de ces honneurs, comment François va-t-il annoncer à son vieux père et à sa mère qu'il veut. toujours" être d'Église" ?
Il lâche du lest, se fait inscrire comme avocat au barreau de Chambéry, consent même à faire la connaissance de sa "fiancée". Fort opportunément, la Providence intervient: la charge de prévôt du chapitre de Genève, en exil à Annecy, se trouve vacante. Monseigneur de Granier et le chanoine Louis de Sales, au courant de la vocation de François, obtiennent de Rome qu'on la lui attribue. De quoi flatter la fierté de M. de Boisy: le prévôt était le second personnage du diocèse! Muni de ce talisman, François affronte son père. Le coup fut terrible. Mais, chrétien de foi solide, M. de Boisy acquiesce, le 9 mai... François ne perd plus de temps: le 10 il revêt la soutane; au cours de l'été il reçoit les ordres mineurs, le sous-diaconat et le diaconat; et le 18 décembre enfin, il est ordonné prêtre.
Peu après Noël, a lieu "l'installation officielle" du prévôt; et en cette cérémonie, François doit adresser à ses chanoines une "harangue". Sur ses auditeurs médusés, il lance un véritable appel aux armes: "Il faut reconquérir Genève". Quel choc pour ces exilés, spoliés de leur cathédrale et de tous leurs biens! Le jeune prévôt entrerait-il dans les projets belliqueux du Duc de Savoie? Non, c'est en prêtre de Jésus-Christ qu'il parle! "C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut la recouvrer... "Nos armes?" "Le jeûne et la prière". Et coupons fermement la source qui alimente le schisme: "les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot les iniquités de tous, mais surtout des ecclésiastiques". Le remède à tous nos malheurs? "Vivre en enfants de Dieu, non seulement de nom, mais d'effet". En ce discours-programme, François livre sa vision d'une chrétienté déchirée, mais qui peut retrouver son unité par la sainteté évangélique: cette vision inspirera toute sa vie.
Et sur l'heure lui-même se met à la tâche: il mène une vie austère de prière et de pénitence, accomplit avec une ponctualité ses fonctions de prêtre et de prévôt, prêche, confesse, réconcilie, catéchise. Ses préférés étant les pauvres et les détenus de la prison publique... Il conquiert Annecy par la charité.
Missionnaire au Chablais (1594-1598)
Survient un évènement qui permet à François de Sales de prendre toute sa taille d'apôtre du Christ. Le Duc de Savoie qui vient de recouvrer le Chablais a demandé à Monseigneur de Granier d'y restaurer le culte catholique: cette province de quelques vingt cinq milles âmes a en effet, pendant ces dernières années de présence protestante, passée presque toute entière au calvinisme. Et Monseigneur de Granier désigne son prévôt pour explorer le terrain et amorcer la mission.
Ce sera pour François quatre longues années de labeurs, de souffrances, de périls, de contradictions avec des périodes d'échecs et de désespérance. "Je suis seul ici, écrit-il un jour d'accablement comme un lépreux hors de l'armée". On peut, sans être taxé d'exagération, le comparer alors à saint François-Xavier... Le Chablais, ce sera ses "Indes" !
Ce sera aussi l'école où il apprend à traiter avec les protestants. En bref, il prend claire conscience qu'il ne faut pas se laisser enfermer dans le piège politico-financier, ni même dans le labyrinthe des discussions publiques de théologie avec les pasteurs, que la solution est de l'ordre de la charité, de la compréhension mutuelle, de la simple et sincère amitié, de la ferveur spirituelle.
Il est incontestable par exemple qu'aux fameuses "Quarante Heures de Thonon" en octobre 1598, son cœur sera déchiré entre les exigences du droit civil et les requêtes de la réconciliation évangélique. Le juriste, en lui, sera sévère; l'apôtre toute miséricorde; mais jusque dans les sévérités du juriste, les protestants qui résistent aux ordres du Duc, savent reconnaître la miséricorde, la bonté de l'apôtre: François ne les abandonne pas, il leur garde amitié et secours, s'efforce d'adoucir leurs peines, si bien que certains d'entre eux qui se réconcilient ensuite avec l'Église, demandent à abjurer entre les mains de François.
Au fil des ans, la charité continue à travailler le cœur de François. En 1615 il rédige l'étonnant Mémoire pour la conversion des hérétiques et leur réunion à l'Église. Et en 1620 (25 juin), il ose écrire au Duc - au Duc qui avait essayé en 1602 de "reconquérir Genève" par une folle "escalade" - de traiter Genève "par voie douce, paisible et assurée".
Le second séjour à Paris (1602)
En 1599, sur la proposition de Monseigneur de Granier, Clément VIII nomme François évêque et coadjuteur. Par pauvreté et par respect filial à l'égard de Monseigneur de Granier, François diffère son sacre. Et c'est en simple qualité d'évêque "nommé" qu'il part pour Paris le 2 janvier 1602, régler à la Cour un litige concernant le pays de Gex. L'ambassade échoue. Mais François connaît un succès personnel considérable: il prêche dans plusieurs églises, et même devant le Roi: il confesse, conseille, est reçu dans les monastères, se lie d'amitié avec de nombreuses personnalités.
Surtout il fréquente les cercles" dévots" de Paris et particulièrement celui de Madame Acarie; il y rencontre tout ce que le "Paris dévot" compte de plus spirituel: Bérulle, Beaucousin, Asseline, Marillac: là s'entrecroisent, un peu dans la confusion des premières genèses, les différents courants mystiques du temps: rhéno-flamands, carmel thérésien, oratoire du Divin Amour, etc. Le succès de François est tel qu'Henri IV essaie de l'annexer au clergé de France!
François de Sales refuse poliment et repart pour la Savoie. Comme il passe par Lyon le 29 septembre 1602, il apprend la mort de Monseigneur de Granier. Il devient donc "prince-évêque de Genève" en exil à Annecy! Il choisit d'être sacré, le 8 décembre, en l'église de Thorens, l'église de son baptême.
Prince-Evêque de Genève
C'est donc à François qu'incombe à présent, au premier chef, "de reconquérir Genève par la Charité", d'user en cette bataille, des seules armes de la prière et de la pénitence, de sanctifier son peuple. A ce prix seulement, il. en est convaincu, il refera l'unité du diocèse.
D'une société chrétienne, François de Sales a une vision précise: la hiérarchie canonique - il en faut une - doit être fondamentalement une hiérarchie d'amour; sinon elle se contamine et se mine. D'où son effort, en tout et partout, pour raviver dans les cœurs et surtout chez les prêtres, ce qu'il appelle "la dévotion". La dévotion! Il est dommage que nous ayons laissé s'affadir le mot. La dévotion, dans le langage salésien, c'est" la fleur de l'amour". Elle désigne" cette agilité et vivacité spirituelle au moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous ou nous par elle. promptement et affectionnément". Une société chrétienne est une société de foi et de prière, de partage et de service, de don et de pardon, que l'Eucharistie rassemble. A la dévotion, l'humble chrétien peut prétendre aussi bien que le prélat ou le moine.
Pendant vingt ans, François s'efforcera de faire de son peuple, un peuple" dévot". Cette visée inspire ses démarches, ses écrits, ses créations d'œuvres comme l'étonnante Académie Florimontane, ses relations, sa merveilleuse correspondance. Qu'est la Visitation Sainte Marie qu'il fonde en 1610 avec Jeanne de Chantal, sinon un foyer privilégié de la dévotion? Lui-même, l'évêque donne le premier l'exemple. Selon le beau mot de saint Vincent de Paul, il apparaît comme" l' homme qui a reproduit le mieux le Fils de Dieu vivant'.
Les dernières années
En octobre 1618, François de Sales reprend pour la troisième fois la route de Paris: il accompagne le Cardinal de Savoie qui s'en va solliciter du Roi la main de Christine de France pour le prince de Piémont, fils du Duc. Paris fait à François un véritable triomphe. Non pas seulement parce que le Cardinal de Gondi, archevêque de Paris, tente de se l'adjoindre comme coadjuteur avec droit de succession, mais parce que de tous côtés, on vient le voir, l'entendre, le consulter... Lui, en son for intime, ne désire plus au contraire que de céder son évêché à son frère Jean-François et se retirer dans la solitude "servir Dieu avec notre chapelet et notre plume". En 1621, sa santé fléchit gravement. Il lui faut cependant en 1622, accompagner son Duc en Avignon: c'est au mois de novembre. En remontant vers la Savoie, François a une grave crise de santé, à Lyon. Le 28 décembre, à huit heures du soir, il meurt, exténué d'avoir aimé et servi Dieu, son Église et son peuple de Savoie, et au-delà de la Savoie, tant de Philothées et de Théotimes... Il laisse derrière lui un "modèle" du prêtre parmi le peuple de Dieu.
En terminant cette esquisse, je reporte mes yeux sur ce petit portrait qu'a peint le Frère Et. Martellange en 1606 et que conservent les Visitandines d'Annecy. Que de contrastes en ce beau visage: la bonté et la force, la paix et une certaine mélancolie, la tendresse et la réserve, les yeux pénétrant sans indiscrétion, le sourire grave et empreint de quelque ironie... Et tout cela dans l'harmonie, une harmonie que l'on sent venir de l'intérieur: l'âme, derrière ce visage, est une, étonnamment une. "Il m'est avis, écrivait-il à la fin de sa vie, que je n'aime rien du tout que Dieu, et toutes les âmes pour Dieu". Avant d'être le "Docteur de l'amour" il fut un cœur qui vivait d'amour, par l'amour, pour l'amour.
André RAVIER s.j.
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Une pensée forgée dans le creuset de l'Humanisme de la Renaissance
François de Sales se situe dans une famille spirituelle
où le portrait de l'homme est peint avec les mêmes couleurs:
"Dieu s'est fait Homme pour que l'Homme soit fait Dieu."
L'originalité de la pensée de saint François de Sales, malgré l'opinion reçue, ne consiste pas en ce qu'il montrerait ce que personne n'aurait montré jusqu'à lui, en ce qu'il verrait dans l'Écriture et la Tradition de nouveaux aspects demeurés jusqu'alors cachés, ou encore en ce qu'il parlerait, écrirait, raisonnerait comme nul autre, avant ou après lui. Tout n'est pas faux dans ces affirmations si l'on se garde de les prendre au pied de la lettre; mais, en définitive, de qui ne peut-on plus ou moins en dire autant? Et comment ne pas voir qu'elles transforment le Salésianisme en une sorte de clef infaillible, et immobilise à un moment de l'histoire de l'Église et en une manière d'état de perfection celui dont la pensée était d'abord fondée sur la marche confiante et persévérante du Corps mystique dans la foi, vers l'accomplissement du plan éternel du Père pour le Royaume, marche où l'instant présent bien vécu rejoint l'éternel et se fond en elle?
Il n'y a en effet aucun paradoxe à dire de François de Sales qu'il n'invente rien, ne découvre rien, mais s'inscrit, volontairement et consciemment (il prend toujours grand soin de donner sources et repères), en même temps qu'il inscrit son époque, dans une famille d'esprits où il lui arrivera d'unir des réflexions qui ne le sont pas toujours, voire ne le sont que rarement; attitude éminemment ecclésiale. Ceux dont il se réclame ont toujours en commun une certaine lecture de la condition humaine, faite dans la confiance et sans rien rejeter de l'homme; des éclairages précis s'y placent comme naturellement: sa pensée, toute théologique qu'elle est (et elle l'est, contrairement encore à l'opinion courante), n'est pas enfermée dans un système, mais elle s'exprime dans une sorte de vision cosmique et totale de l'homme, tel que l'Écriture le révèle. Il ne rejette aucune interprétation donnée dans l'Église, mais préfère celles qui mettent l'accent sur le mystère contemporain à tout homme né dans la révélation du Christ, celui de la Transfiguration qui fait participer l'être humain ressuscité à la Gloire trinitaire.
Cet homme, c'est l'homme-temple du Cantique des Cantiques, repris au chapitre 12 du livre 1 du Traité de l'amour de Dieu. Rien en lui n'est séparable, dissociable d'un autre élément: comme dans la conception hébraïque, le corps n'existe pas sans l'âme, ni l'âme sans le corps; l'être humain est un tout, où chaque partie (chaque "parvis", dit le Traité) est une voie noble de connaissance: la Résurrection du Christ, en ressuscitant l'homme, a recréé et achevé la cohésion de l'être humain; le péché, vaincu par le Christ, ainsi que la mort, l'est aussi par chacun de ceux qui s'engagent à le suivre. Ni l'intelligence, ni le corps par exemple, n'ont à être méprisés; au contraire: la vie-même de l'homme sera d'agir pour s'organiser et se réaliser comme le Christ selon le plan de Dieu pour sa Création, pour que cessent enfin les douleurs de l'enfantement dans lesquelles elle gémit encore.
On pourrait trouver à François de Sales plusieurs garants dans la lignée spirituelle où il se situe; si l'on se limite à deux noms, on rencontrera deux Pères: Irénée de Lyon, d'abord, avec son affirmation célèbre: " La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant et la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu" ; Athanase d'Alexandrie, ensuite: "Dieu s'est fait homme pour que l'homme soit fait Dieu", leitmotiv de sa réflexion sur l'Incarnation, repris d'innombrables fois par le Traité de l'amour de Dieu et les sermons de François de Sales. La force de l'expression sera même décuplée chez l'évêque de Genève: Dieu aima l'homme "d'amour de bienveillance jetant sa propre Divinité en l'homme en sorte que l'homme fût Dieu"
Ces affirmations, qui mettent si fortement l'accent sur l'Incarnation, naissent toutes trois d'une commune lecture du Cantique des Cantiques: l'Incarnation, donc la Résurrection et la Transfiguration, sont dans la logique de la Bible.
Le siècle, après François de Sales, fera aussi la part la plus belle à l'Incarnation (et comment pourrait-il en être autrement pour le christianisme ?). Mais la tonalité des œuvres sera alors bien différente; que l'on songe à Bérulle ou à Louis-Marie Grignion de Montfort: chez eux, c'est l'incroyable abaissement de Dieu que l'on contemple, chez François de Sales, c'est l'exaltation de l'Homme-Dieu et de l'homme adulte parfait en Jésus-Christ ressuscité. Idée qui jaillira à nouveau victorieuse lors de Vatican II.
Ce n'est guère le bébé de la crèche ou le mourant terrible et grandiose du Calvaire qui dominent dans la pensée de François de Sales, du moins sous l'éclairage que leur donnèrent de longs siècles, celui justement de l'abaissement comme scandaleux du Tout-Puissant: ils sont pour lui la réalisation parfaite du "trépas de la volonté", mais ce trépas est l'aboutissement de l'acte d'une liberté parfaite elle aussi, celle que peut et doit exercer l'homme ressuscité, debout, accomplissement par amour du plan d'amour tracé pour le monde par le Dieu d'amour. Il est remarquable que le Christ adulte, agissant, priant, vivant en un mot comme tout un chacun, tienne une telle place dans l'œuvre entière de François de Sales: toute la fameuse "spiritualité de Nazareth", celle de "la vie cachée" et de "l'instant présent bien vécu", qui a triomphé dans la fondation de l'Ordre de la Visitation, devait en naître. Et ce Christ agissant est Dieu, qui, parce qu'il est amour, est communication des Personnes, en lui-même, ainsi que communication avec la créature qui est son image. Alors, où cette image est-elle plus parfaitement réalisée que dans le Verbe incarné où Dieu est devenu homme et l'homme Dieu?
Ainsi, parce que Dieu est l'harmonie, la beauté absolue, l'homme, tout l'homme sans exclusive, comme la création qui reflète la gloire de Dieu, est et doit être beau et harmonieux. En lui, en la communauté humaine, doit se continuer l'Incarnation, s'il applique à cela sa liberté et sa volonté.
C'est pourquoi Noël est pour François de Sales la plus grande de toutes les fêtes, plus grande même que Pâques et que la Pentecôte: Noël les porte en lui et ni la Résurrection, ni cette Incarnation continuée, perpétuée qu'est l'Église née de la Pentecôte, n'eussent pu avoir lieu sans l'acte ('pur et simple" comme celui qu'est Dieu, et le Dieu-Amour) de la Femme nouvelle Ève dont "l'anagramme (du nom) n'est autre chose qu'aimer: aimer c'est Marie, Marie c'est aimer"; vivante image parfaite de Dieu que Marie, parfaite créature, parfaite humanité: sans son Fiat, répété chaque jour, de l'Annonciation au Calvaire, rien de Dieu n'eût pu passer en l'homme.
Et l'Assomption est bien dans la logique absolue, dans la conséquence imperturbable d'un acte-don en perfection, Assomption qui est le symétrique absolu autant de la Transfiguration que de l'Ascension.
Tout, même Dieu, dépendait de la liberté humaine; tout, même Dieu, en dépend encore: vivre aujourd'hui en ressuscité parce que le Christ est le Ressuscité, lui qui est né grâce à Marie (grâce aussi au Fiat de Saint Joseph, premier Abraham du Nouveau Testament que François de Sales n'oublie jamais de rappeler), vivre donc en ressuscité, c'est continuer, accomplir, achever, dans la limite qui concerne chacun, l'Incarnation par laquelle l'humanité peut participer à la Transfiguration du Christ.
L'homme-image de Dieu, que révèle le verset 26 du chapitre 1 de La Genèse, réalise, dans la multiplicité d'une diversité due justement aux limites de chacun, l'unité de Dieu reflété dans l'univers, "unique avec diversité et divers avec unité"
La Genèse ne montre-t-elle pas, dans son premier récit, l'homme image de Dieu, dès sa création, que "homme et femme", c'est-à-dire "unique et divers" à la fois lui aussi?
Image d'un Dieu qui est dans son essence-même échange et mouvement parce qu'il est amour, l'être humain ne se réalisera pleinement comme icône de Dieu qu'en agissant donc à son tour, avec continuité, pour achever la création. Il lui faudra agir pour ses frères, images, eux aussi, de Dieu, autant qu'agir pour Dieu; car François de Sales le répète à travers son œuvre dans son entier, sans se lasser, à tout propos, et avec autant de force que le Nouveau Testament après l'Ancien: inséparables sont les "deux tables de l'amour", de Dieu et du prochain; mieux, elles sont consubstantielles. Agir pour soi, se réaliser, ce n'est pas autre chose qu'aimer son prochain parce que c'est vivre l'amour de Dieu comme Dieu lui-même l'a vécu. Ce qui ne va pas sans lutte: le Christ l'a connue le premier.
Cependant, ce combat continu, forme privilégiée et ecclésiale du "combat spirituel" dont parle saint Paul, ne pourra être mené que dans l'entière acceptation des limites humaines, surtout celles nées de l'erreur à laquelle chacun est exposé (celles du péché) causes de bien d'autres limites qui s'ajoutent à celles qui sont inhérentes au statut de créature. Ce n'est que dans cette humble reconnaissance que ce combat pourra être livré "tout bellement", que sera trouvée la paix biblique, elle qui n'est pas l'absence de guerre.
Alors, loin de toutes les aberrations quiétistes, de toutes les passivités faussement saintes, de tous les "on verra bien" négligents, de toutes les manières de se désintéresser de l'humain, de toutes les démissions porteuses de sécurité mensongère, où se cache, pour François de Sales, la paresse spirituelle, synonyme pour lui de tristesse, le "trépas de la volonté", la "très sainte indifférence" du livre IX du Traité de l'amour de Dieu, seront dynamisme et jubilation, et deviendront persévérance de l'espérance dont le nom est "joie".
Parce que l'homme a été créé pour le vrai, le juste, le bon, le beau.
Parce que, dès le premier instant de sa conception jusqu'à la fin des temps, pour les éternités d'éternités déjà contenues dans l'instant présent bien vécu, Dieu a fait l'homme pour le bonheur
Hélène Bordes
Faculté des Lettres de Limoges
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Une théologie de l'amour de Dieu et de l'Homme
Celui qui fréquente la pensée de François de Sales peut dire que c'est avec une grande satisfaction qu'il assiste et participe aussi à sa mesure à ce qu'on peut appeler le renouveau de l'Église. Les grandes thèses développées au Concile Vatican II et l'évolution des esprits chrétiens possèdent indéniablement une teinte bien salésienne.
François de Sales manifeste toujours une influence non négligeable dans l'Église.
Il peut efficacement nous aider à trouver réponse à nos propres problèmes.
Une théologie de l'amour de Dieu et de l'Homme
En partant du renouveau liturgique avec son corollaire, la pratique eucharistique, avec l'appel universel à la sainteté jusqu'à la dernière lettre de Jean- Paul II sur la "tendresse de Dieu", c'est bien la présence de François de Sales, bien souvent et heureusement évoquée et invoquée, qui semble continuer un travail simple et profond de ressourcement évangélique.
On pourrait croire que cela devrait faciliter une présentation de la doctrine salésienne, et pourtant cela n'est pas si évident. Une raison non négligeable en est que la pensée de François de Sales obéit à une logique très simple qui ressortit à ce qu'on appelle communément le "bon sens" mais qui, parce qu'elle va jusqu'au bout de son raisonnement, oblige à un engagement très profond et empêche par sa persuasion d'en rester à une satisfaction purement sentimentale ou intellectuelle. François de Sales est un théologien "pasteur" c'est-à-dire pratique: tout ce qu'il dit invite d'une manière pressante à une pratique concrète et dynamique. Un des avantages de cet esprit salésien, c'est qu'il est facilement accueilli dans le fond comme dans la forme et qu'il opère presqu'à chaque fois comme une réconciliation libérante: ce que François nous dit, on y pensait vaguement sans trop l'espérer, on n'osait pas sans lui aller jusqu'à de telles conclusions, on n'arrivait pas à répondre à des objections, en général de tendances jansénistes ou pusillanimes, bref, on était heureux que ce soit lui qui le dise et l'affirme hautement et on se réjouissait de savoir que cet enseignement était depuis longtemps non seulement reconnu mais accueilli par toute l'Église qui l'avait déclaré "Docteur de l'Église" et par conséquent avait donné à son enseignement un caractère d'authenticité doctrinale. A cela s'ajoutait qu'il écrivait en français et que, sauf quelques corrections de langage dues aux quatre siècles d'écart, il était parfaitement et convenablement accessible à tous.
L'Évangile à tous indistinctement.
Cet enseignement porte évidemment sur des points qui intéressent tout particulièrement le chrétien: peut-on vraiment pratiquer notre vie chrétienne et faut-il pour cela se retirer à l'écart du monde comme les religieux? Pas du tout, rétorque François de Sales, tout chrétien a le devoir d'aspirer à une sainteté authentique, toute la richesse de la doctrine chrétienne doit lui être accessible. Comment l'Église existerait-elle si les chrétiens ne pouvaient être et devenir de plus en plus "fidèles de Jésus-Christ"? Mais peut-on s'approcher des sacrements et tout particulièrement de l'Eucharistie. sans crainte de manquer de respect ou de n'être pas assez préparé? Mais non, bien sûr, qu'allez-vous penser! "Les sacrements sont pour les hommes" répète constamment toute l'Église; ils sont pour vous et vous y avez accès librement pourvu que vous sachiez bien ce que vous faites. Bien plus, ajoute-t-il, c'est justement par la fréquentation des sacrements que l'on arrive à mieux les recevoir et donc à en profiter.
En fait François ne fait que continuer la pratique de Jésus lui-même et de ses premiers disciples qui n'ont fait acception de personne. Agir autrement, affirme-t-il, est tout simplement une hérésie et donc contraire à l'esprit même de l'Évangile. Nous pouvons avertir ici une réaction contre un courant inévitable dans toute religion et même dans toute société et qui est de s'enfermer dans son propre monde, de vivre dans un climat d'hommes et de femmes initiés, choisis parmi tant d'autres, privilégiés bien sûr mais invités d'une manière pressante à se protéger de toute contamination extérieure. Mais Jésus n'a-t-il pas envoyé ses chrétiens par tout le monde pour prêcher l'Evangile à toute créature?
Un tel esprit qui peut paraître aujourd'hui tout à fait normal était pourtant bien nécessaire à son époque et nous pensons malgré cela que François a encore beaucoup de choses à nous dire et qu'il est plus que jamais un guide sûr autant qu'un ami fidèle.
Jésus, Créateur de l'Amour.
Tout d'abord, François de Sales a une foi, une confiance, une connaissance étonnante de Jésus-Christ. Il y a un "christocentrisme" qui se limite à situer le Christ au niveau de la Rédemption et qui fait comme si, avant le Christ, tout était plus ou moins "chaos" ; ce sera donc dans la participation au Christ-Rédempteur que peu à peu toutes choses seront "instaurées" en Lui. Mais François de Sales va plus loin: rien de ce qui existe n'aurait pu exister, si Jésus-Christ ne devait pas "naître" un jour parmi les hommes. Ce qui veut dire que c'est tout ce qui existe qui porte la marque originelle et originale du Verbe fait chair. François dépasse sans l'ignorer toute la pesanteur de la chair et de la matière car pour lui, et son interprétation est traditionnelle, cette chair, cette matière, est le mode d'être choisi par Dieu même pour l'exercice de la Louange. François de Sales suit la lettre et l'esprit de saint Jean, de saint Paul et de la toute première tradition: Jésus est Seigneur de l'Univers, il est le "Premier-né de toute créature", c'est Lui qui a été le premier conçu dans l'amour de Dieu quand il a voulu créer le monde et tout ce qui a été fait avant qu'il ne vienne assumer sa présence historique parmi nous a été voulu pour que nous sachions l'accueillir. Nous savons quel accueil a reçu Jésus, mais cela ne change rien à la volonté du Créateur. Bien plus la tragédie de la mort est devenue l'Eucharistie de la Résurrection, la haine des hommes loin de décourager Dieu n'a fait qu'exciter sa tendresse envers tout homme: Jésus aime ses ennemis! Il aime l'homme jusque dans son geste de haine et d'assassinat! "Pardonne-leur, Père, ils ne savent pas ce qu'ils font!" C'est inouï comme Dieu aime l'homme!, se répète constamment François. Il faut vraiment qu'il soit Dieu et qu'il tienne à l'homme pour agir ainsi! Oui, et c'est parce que le Père éternel ne peut pas regarder un homme sans y reconnaître son propre Fils qu'il aime de tout son amour de Dieu; comment pourrait-il lui vouloir du mal? Son amour sera plus fort que tout, il saura bien un jour vaincre la résistance d'une liberté faussée, il attendra; et cette attente soutenue et toujours la même, inlassable et vive, devient son action actuelle, constante et pleine de tendresse mais quand l'homme s'en aperçoit, il n'en croit pas son cœur.
Jésus et l'homme.
François découvre alors que si l'homme a été créé dans et par le Christ, il doit réellement lui ressembler, il doit pouvoir trouver en lui comme des marques, des traces, des indices de ce que dit l'Évangile même: "Jésus savait ce qu'il y a dans l'homme". Et ce qu'il trouve de "christique" en l'homme est à la fois simple et immense: c'est ce qu'il appelle l'amour. Cet amour, François le rencontre partout en tout homme, il nous aide à le trouver, parce qu'il y est; il veut qu'une fois repéré en nous, il soit développé, reconnu pour qu'il arrive à s'épanouir, à se "dilater" comme il dit et nous en donne tous les moyens. Ce voyage intérieur qu'il nous propose est vraiment expérimental, il possède déjà un aspect que l'on appellerait aujourd'hui "scientifique": François est un "chercheur" et son investigation étonnante est à chaque fois une "découverte". C'est dans ce sens qu'il faut le lire et le comprendre car ce qui existe, et tout particulièrement l'homme, est" création" et porte cette empreinte du Dieu qui est amour. Il en conclut alors que l'homme, tout homme, est définissable christiquement comme une "inclination naturelle à aimer Dieu" et la différence qu'il fait entre l'homme et le chrétien, c'est que l'un ne peut pas exercer cet amour qui est en lui tandis que l'autre en rencontrant Jésus-Christ le peut d'autant mieux que s'il le suit pas à pas, il pourra dire avec saint Paul: "Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi"
Tout est grâce.
Mais si François vit de cet optimisme évangélique que d'autres appellent aussi Espérance, il reste profondément réaliste en face du monde tel qu'il est. Voilà ce qui est merveilleux en lui, car cette misère de l'homme, loin de le décourager, devient comme un tremplin qui le jette encore plus fort dans cet amour divin: "Dieu, dit-il, ne serait pas miséricordieux si nous n'étions pas misérables." Cette misère n'est autre que le péché, mais le péché que Dieu, par son Fils, transforme en une grâce inouïe. Dans ce climat de la tendresse infinie de Dieu, il dépasse toute amertume et affirme que "l'état de Rédemption vaut cent fois mieux que celui de l'innocence." Voilà qu'éclate en lui le cri du diacre du samedi saint: "Heureuse faute!" et que sont possibles les fameuses Béatitudes! C'est alors que la pauvreté devient richesse parce que l'homme pauvre en s'identifiant au Christ découvre que la vraie pauvreté est d'être privé de l'amour; il devient alors mendiant d'amour et peut comme un autre François d'Assise vivre une liberté qu'il n'aurait jamais espérée. Mais François de Sales sait pourtant bien qu'il y a pauvreté et pauvreté. La pauvreté indigente causée par l'égoïsme des riches, il n'a cessé de la combattre et c'est dans son sillage et à son exemple que se sont levés les grands apôtres de la charité.
Amour, charité et liberté.
Et c'est peut-être ici qu'il est intéressant de mieux préciser la pensée salésienne. On a trop voulu faire de lui un pur spirituel, un prélat occupé de mystique, un maître dédié aux belles âmes! Si cela est vrai, il reste que cette présentation incomplète, pour en rester là, devient mensongère, voire même injurieuse à son endroit. François de Sales, en fait, s'est efforcé de démystifier la mystique: l'amour de Dieu est pure illusion tant qu'il ne se traduit pas dans des gestes concrets en amour du prochain; la charité est fausse si elle n'est pas justice et vérité; il n'y a pour lui qu'une seule" extase".. c'est quand le chrétien se dépasse lui-même en se dévouant pour ses frères. Voilà ce qu'est pour lui l'Évangile qui demande de continuer l'œuvre que Jésus a commencée: délivrer l'homme de tout ce qui l'opprime et l'éveiller à sa dignité de fils de Dieu.
Oui, il y a un humanisme salésien basé sur un sentiment très fort de la valeur de la personne humaine, quel que soit l'état dans laquelle elle se trouve. Tout homme est précieux parce que tout homme porte en lui la dignité même du Fils de Dieu; le Verbe fait chair, le Fils bien aimé. Et cette dignité se situe particulièrement dans sa faculté de choisir lui-même son propre destin: tout homme est libre et doit accéder à cette responsabilité de liberté sans laquelle il ne peut pas être un homme. Cette liberté est tellement précieuse aux yeux de Dieu, nous dit-il, que même Dieu ne veut pas y toucher alors qu'il le pourrait dans sa toute-puissance. Comment l'homme ose-t-il tenir son frère en esclavage? François de Sales a mené ce combat pour la dignité de l'homme car il sait que sans cette liberté aucun amour n'est possible, pas même et surtout l'amour de Dieu.
Rencontrer Dieu.
Mais quand l'homme libre a rencontré son Seigneur, alors l'homme sait qu'il vient de rencontrer le "Dieu du cœur humain", le Dieu qui l'aime comme aucun être ne peut aimer. Il mesure en un instant que désormais avec son Seigneur tout devient possible. François est sûr de cela pour tout homme. En notre période d'athéisme, c'est une grande et joyeuse parole que de l'entendre dire qu'il suffit que "l'homme pense un peu attentivement à Dieu" pour qu'il en ressente une joie secrète et profonde. Pour lui, il ne peut pas y avoir vraiment un "athée".. il ne peut s'agir que d'une méprise, il ne s'agit pas de Dieu, mais d'un fantôme de Dieu, d'une affreuse contrefaçon sortie de quelque esprit déformé. Non, le Dieu de Jésus-Christ est joie et consolation pour tout homme; penser à Lui ne peut que déclencher dans son cœur le plaisir d'un espoir enfin aperçu et donc réel.
Se mettre à l'école de saint François de Sales, c'est vouloir approfondir cette doctrine de l'Evangile pour annoncer aux hommes la Bonne Nouvelle que tout devient possible avec Jésus-Christ; mais ce n'est pas seulement l'annoncer en paroles, c'est le dire par toute sa vie et dans cet engagement c'est aussi prouver que l'Evangile, s'il est capable de combler une vie, devient de plus en plus indispensable si l'on veut que la vie humaine soit encore possible sur cette terre.
André BRIX. osfs.
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Une innovation contestée: tout par amour.
La Visitation Sainte-Marie est le seul Ordre fondé par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal.
Cependant ses Constitutions sont si empreintes de douceur, de modération, d'équilibre, que beaucoup de fondateurs de congrégations d' hommes et de femmes leur ont emprunté des extraits plus ou moins importants et ont voulu se nourrir de leur esprit. Ainsi se réalise le souhait du Fondateur:
"...J'ai été toujours de cet avis qu'il serait bon de faire imprimer les Règles et Constitutions, afin que plusieurs les voyants en pussent tirer quelque utilité. Plût à Dieu, mes chères sœurs, qu'il se trouvât beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer, voire même des hommes: l'on verrait bientôt un grand changement en eux, qui réussirait à la gloire de Dieu et au salut de leurs âmes. Soyez grandement soigneuses de conserver l'esprit de la Visitation, mais non pas en sorte que ce soin vous empêche de le communiquer charitablement et avec simplicité au prochain, à chacun selon leur capacité.. et ne craignez pas qu'il se dissipe par cette communication, car la charité ne gâte rien, ainsi elle perfectionne toutes choses."
La Visitation Sainte-Marie
Un germe enfoui dans les montagnes
L'idée avait fait son chemin depuis longtemps dans son cœur de prêtre et de pasteur. Tant d'âmes pures et généreuses lui avaient confié leur désir de se retirer du monde pour vivre uniquement pour Dieu! Mais les grands Ordres monastiques étaient relâchés; les quelques monastères réformés pratiquaient des austérités inaccessibles au plus grand nombre…
"..Il lui arrivait de penser à un grand arbre qui étendrait ses branches par tout le monde, et dont la racine serait plantée bien bas, entre les montagnes... "
En silence, il attendait l'heure de Dieu.
Lorsque, le 5 mars 1604, il rencontra pour la première fois, à Dijon, Jeanne de Chantal, il comprend que Dieu lui envoie celle qui lui permettra de réaliser son dessein.
Le 28 mai 1610, il lui trace le sublime programme dans lequel leurs deux âmes seront unies à jamais: "0 ma Fille, que j'ai de désir que notre vie soit cachée, avec Jésus-Christ en Dieu. Quand vivrons-nous nous-mêmes, mais non pas nous-mêmes, et quand sera-ce que Jésus Christ vivra tout en nous ?"
Le 6 juin de la même année, Jeanne de Chantal et ses deux premières compagnes viennent s'enfermer dans la petite maison dite de la Galerie, au bord du lac d'Annecy. La Visitation est fondée.
Pas d'autre lien que l'Amour
Le but unique, primordial du Fondateur: "Donner à Dieu des âmes d'oraison et si intérieures qu'elles puissent le servir en esprit et en vérité".
Indépendant de tout, hors du bon plaisir de Dieu et du désir de procurer sa gloire, François de Sales ne craint pas d'innover profondément: - Il ne prétend pas fonder un grand Ordre, mais seulement une petite congrégation où il n'y aura "d'autre lien que l'amour de Dieu".
- Vivant très retirées, les sœurs pourront néanmoins sortir pour visiter les pauvres malades du proche voisinage: "Cet exercice fut plutôt ajouté, comme conforme à la dévotion de celles qui commencèrent cette congrégation, et à la qualité du lieu où elles étaient, que comme fin principale." Il ne sera pratiqué que par deux sœurs seulement, et quelques heures par jour.
- On pourra recevoir dans la maison, même pour plusieurs jours, les femmes qui auront besoin d'un peu de retraite.
- L'absence de grandes austérités corporelles renverse complètement l'idée que l'on se faisait alors de la perfection monastique, mais François ne dévalorisera pas, pour autant, la vie religieuse: il intériorisera les exigences de cette vie consacrée. Il sait à quel point l'Amour pénètre la moelle de l'âme généreuse toute livrée au Divin Vouloir.
- Enfin François met la petite communauté sous le patronage de Notre-Dame de la Visitation. Il aime ce mystère auquel il découvre "mille particularités pour l'esprit de, l'Institut", et "parce que c'est un mystère caché, non encore honoré dans l'Église."
Une attente de l'Église
Malgré les critiques, qui ne manquent pas, les vocations affluent, des fondations sont demandées. Il est évident que ce nouvel Institut répond à un besoin des âmes, à une attente de l'Eglise.
La fondation de Lyon (1615) est l'occasion pour François de Sales de réviser certains points importants de son projet: pour permettre l'expansion de l'Institut en France, il accepte de transformer sa petite congrégation en Ordre religieux formel, selon les lois du Concile de Trente, avec les vœux solennels et la clôture.
Pourtant il saura conserver intact ce qui, pour lui, est l'essentiel :
- Toutes les exigences d'une "vie cachée en Dieu",
- L'absence de grandes austérités inaccessibles aux santés moyennes.
- L'accueil des personnes désirant faire une retraite.
L'Ordre est approuvé définitivement en 1618.
Dès lors, c'est l'expansion rapide en France, en Savoie, en Italie: 13 monastères à la mort de François en 1622, 87 à celle de Jeanne de Chantal, en 1641.
Aujourd'hui
Aujourd'hui, comme hier, la vie d'une Visitandine est une vie toute simple, où la prière tient une très grande place: Oraison silencieuse, et offices liturgiques.
Dans la prière personnelle ou commune, dans le travail, le silence, comme dans la joie des moments de détente, une vie fraternelle intense unit tous les membres de la communauté.
Saint François de Sales a défini l'esprit qui devait animer ses filles: "C'est un esprit d'humilité envers Dieu et d'une grande douceur envers le prochain". Mais qu'on ne s'y trompe pas: la douceur dont il parle, c'est la vertu des forts. N'a-t-il pas loué, un jour en Jeanne de Chantal ce "cœur vigoureux, qui aime et qui veut puissamment" et, ajouta-t-il, "je lui en sais bon gré, car ces cœurs à demi-morts, à quoi sont-ils bons ?"
Des Foyers rayonnant de la Charité du Christ
Fidèles à leur Fondateur, qui, passionné pour les âmes, les engage, dès les premières lignes du Directoire spirituel, à offrir "toute leur vie pour l'Eglise et le salut du prochain", les Visitandines s'ouvrent, dans la spécificité de leur mission, et selon les nécessités des divers pays et milieux humains, au besoin de vérité et à la soif de Dieu du monde contemporain. Depuis Vatican II, elles ont intensifié l'accueil des retraitantes individuelles (pas plus de 5 en même temps), et aiment également partager leur prière liturgique, moment privilégié de leur rayonnement apostolique.
La Visitation compte actuellement 167 monastères, répartis dans quatre continents. Les deux jeunes monastères d'Afrique sont florissants. Les dernières fondations ont eu lieu en Inde en 1978, à Santo-Domingo en 1979, en Colombie et au Paraguay en 1981. Notamment les Monastères d'Amérique latine sont en pleine expansion.
Filles du Docteur de l'Amour et conscientes de la mission qui leur a été confiée à Paray-le-Monial, par l'intermédiaire de leur sœur, Sainte Marguerite-Marie, les Visitandines du monde entier veulent que chacun de leurs monastères demeure un foyer ardent d'où la Charité du Christ se répande dans les cœurs de tous les hommes.
Les sœurs de la Visitation d'Annecy
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Dans le sillage de la Visitation :
La Congrégation Salésienne de la Visitation (Belgique)
Dans la vision qui précéda la fondation de la Visitation Sainte Marie, François vit, au fond dune vallée, un arbre dont les branches s'allongeant, passèrent par-dessus les montagnes. Il sut alors que l'Ordre nouveau rayonnerait par toute la terre.
Un rameau fécond
De fait, aujourd'hui, François est à l'origine d'un arbre immense qui n'a pas fini de croître.
Modeste rameau greffé, la Congrégation Salésienne de la Visitation connaît, en Belgique, une double origine; l'une à Gand en 1669, l'autre à Ellignies-Sainte-Anne en 1697. A Gand, la "Visitation" est alors au service des pestiférés et de l'éducation des enfants pauvres. Fondée par une fille gantoise: Isabelle Stoop, suivant l'esprit de saint François de Sales, elle verra, en 1836 sa règle" empruntée" à celle des religieuses de Savoie. En cette même année, la Visitation de Gand donnera elle-même naissance à la "Visitation Sainte-Marie" de Celles. Ce ne sera pas une filiale de Gand mais une nouvelle" Visitation" qui reçut la propre règle de saint François de Sales.
L'évêque de Tournai s'opposa à la clôture stricte et à l'indépendance des maisons secondaires trouvant ces dispositions nuisibles au but apostolique de la nouvelle Congrégation: l'éducation. Parallèlement, la fondation de 1697 avait pour but d'instruire les jeunes filles pauvres des campagnes. Elle connut prospérité et tempêtes avant de recevoir ses statuts, en 1821, sous la dénomination de: "Congrégation des Sœurs de saint François de Sales de Leuze". Enfin, le 3 janvier 1956, à la demande de l'évêque de Tournai, la Visitation Sainte-Marie de Celles et les Sœurs de Saint François de Sales de Leuze s'unirent pour ne plus former qu'un seul rameau: "La Congrégation Salésienne de la Visitation".
La Visitation: un don réciproque
Ainsi, il est frappant de constater qu'un peu plus de cinquante ans après son érection le 6 juin 1610, l'arbre salésien produisait en terre belge un, puis plusieurs surgeons nourris de la sève salésienne. Celle que François avait lui-même puisée dans le cœur Marie en sa Visitation.
Jeune femme, éblouie par le don gratuit de Dieu, Bouleversée, dépassée, Marie enceinte de Dieu
"voulut aller voir Elisabeth comme étant sa parente et à dessein de la servir et soulager; car, la charité n'est point oisive: elle bouillonne dans les cœurs où elle habite et la Très Sainte Vierge en était toute remplie d'autant qu'elle avait l'amour même en ses entrailles / (IX-15)
Et que se passa-t-il au cours de cette première Visitation?
"Lorsque Marie eut salué Elisabeth l'enfant qu'elle portait bondit d'allégresse en son ventre elle fut remplie du Saint Esprit et s'écria: Bénie es-tu, toi, parmi les femmes / Béni aussi le fruit de tes entrailles, parce que tu as cru en la parole du Seigneur !
Marie à son tour, chanta: "Magnifique est le Seigneur, mon Sauveur Il a fait pour moi de grandes choses en souvenir de sa miséricorde et selon sa promesse /" (Luc 1, 39 à 56)
Il se passe pour nous ce qui se passa pour Elisabeth et Marie: l'Esprit-Saint s'engouffre dans nos moindres paroles, dans nos gestes les plus ordinaires et leur donne, dans la mesure de notre foi, d'éveiller la vie, de la faire chanter en l'autre, en nous-même, et cela bien au-delà de ce que nous pouvons en percevoir!
"Les pauvres gens que nous servions, dit sainte Chantal, se fondaient d'amour et de reconnaissance et certes ils nous donnaient de grandes leçons / Nous étions toutes ravies des vertus qu'ils pratiquaient dans leurs misères. Leur exemple nous profita grandement et nous animait plus qu'il ne se peut dire à l'amour de notre Bon Dieu;" (Fond 1, 28).
Aujourd'hui comme hier, notre vie de religieuse apostolique salésienne est toute orientée vers la "Visitation" des personnes, où, dans l'accueil mutuel, chacun révèle à l'autre dans la joie le don de Dieu qu'elle porte en elle. (Actes chapitre 1977)
"...au cours de mes visites, il m'est donné de rencontrer Monique, paralysée des deux jambes. Elle a accueilli chez elle Joseph, handicapé moteur lui aussi et elle ouvre sa porte et son cœur à tous ceux qui sont dans le besoin et se trouvent rejetés pour une raison ou pour une autre. Dans le petit café du coin qu'elle tient avec son mari et ses filles, nous lisons régulièrement l'Evangile ou plutôt nous l'écoutons: car Joseph ne sait pas lire.
Jésus dit: "Si vous ne voyez de signes et des prodiges, vous ne croirez donc pas /" (Jn 4,48). Alors Monique, Joseph et sa maman réagissent: "C'est vrai, il en est qui se moquent de nous: vous croyez en Dieu, arrangés comme vous êtes !
Alors, nous leur rétorquons: bien sûr, nous croyons! Si nous pouvions guérir, ce serait bien, mais notre foi n'est pas liée à cela!"
A ce moment se réalise la Visitation: Jésus en ces personnes fait bondir d'allégresse Jésus en moi et je m'écrie en un nouveau Magnificat: "Je te bénis, Père, d'avoir caché ces choses aux sages et aux savants et de les avoir révélées aux tout-petits !"
Quand toute la vie devient prière
Tout ceci postule que, pour nous, comme pour Jeanne de Chantal et ses Filles, le service et la contemplation tendent à se vivre comme deux moments d'une unique prière qui unifie toute la vie: "Toutes les actions de ceux qui vivent en attitude d'amour filial vis-à-vis de Dieu sont de continuelles prières et cela se nomme oraison vitale; (IX-61)
A partir des personnes, à partir des interpellations concrètes et nouvelles, au cours de chacune des époques successives, l'Esprit Saint nous a donné d'inventer de nouvelle formes de présence et de communion. D'autres pourront être créée dans l'avenir: réponse courageuse à des appels de services nouveaux pour la construction d'un monde, plus juste et plus humain.
Actuellement, nous sommes invitées à vivre la Visitation à travers une pluralité d'engagements apostoliques:
. Notre mission est-elle l'éducation, par l'enseignement, la catéchèse?
C'est pour permettre à Jésus-Christ de faire entendre la Bonne nouvelle et d'ouvrir les intelligences et les cœurs au sens de la dignité de la personne, de la justice, de l'amitié. de l'échange. du partage.
. Si le souci d'évangélisation nous porte au-delà des mers, c'est pour permettre à Jésus-Christ de se révéler à tous les peuples.
. Si l'amour de Jésus nous invite à partager concrètement la condition des travailleurs, c'est pour être parmi eux le témoin de la sollicitude et de la recherche amoureuse du Bon Pasteur.
. Sommes-nous au service des personnes âgées, des familles en difficulté. des sans-logis, des enfants privés de famille, des malades, c'est pour permettre à Jésus-Christ, agissant pour nous, d'actualiser son amour et de manifester sa tendresse pour les souffrants, les petits, les délaissés.
. Sommes-nous trouvées à la maison préposées aux multiples services d'entretien et d'accueil? C'est pour permettre à Jésus-Christ de revivre en nous sa vie cachée et sa sollicitude pour tous les besoins de ses frères.
. Et lorsque la maladie et le grand âge viennent réduire nos activités, c'est pour permettre à Jésus-Christ d'être Lui-même notre force dans le prolongement de sa mission rédemptrice.
(Orientations de vie 76-79)
Aussi nous est-il donné d'être, aujourd'hui, d'autres Marie de la Visitation en amitié active avec les "humbles "les affamés", "les pauvres", "les artisans de paix", pour qu'unis dans le consentement à une même miséricorde, nous mettions au monde: l'Amour! (Actes, chap. 33).
Car il s'agit de laisser Jésus naître ( nous dans la pauvreté de notre étable. Pauvreté de nos limites. de nos fragilités, qui nous font mesquines, distraites et souvent même en désunion plutôt qu'en communion avec Dieu ou avec le prochain, ce qui est tout un (Mt. 12, 37-40). Pauvreté de notre chasteté consacrée, stérile aux yeux du monde. Mais voici que de cette pauvreté elle-même peut jaillir le Magnificat:
proclamant que toutes les grandes choses sont l'œuvre de l'amour gratuit de Dieu, que toutes les forces de la terre ne sont précieuses, puissantes et fécondes, que par la grâce de Dieu et que cette grâce vient d'en Haut dans les cœurs humbles, doux et aimants.
(Orientations de vie 92)
Sœur Monique Michel - Congrégation Salésienne de la Visitation Leuze (Belgique)
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Au service de la mission
Pierre-Marie Mermier (1790-1862)
Premier fondateur au XIXe siècle d'une Congrégation cléricale sous le patronage de saint François de Sales
Les missions pastorales en Savoie
Le Châtelard en Bauges: un modeste chef-lieu de canton dans les montagnes de Savoie. Si le bourg est prospère, la paroisse n'est guère fervente. On vient de lui donner un jeune archiprêtre, Pierre- Marie Mermier, né à Chaumont dans l'actuel diocèse d'Annecy. Les efforts du nouveau pasteur sont paralysés par l'apathie des paroissiens. En 1821, pour tenter d'éveiller ses "ouailles" il décide de donner une mission et fait appel à un jeune prédicateur dont on parle beaucoup dans le diocèse de Chambéry: Joseph-Marie Favre.
La mission débute dans l'indifférence générale. Un matin, le clocher reste muet, le presbytère est vide: curé et missionnaire ont disparu. Ils sont allés à la Grande Chartreuse prier pour les paroissiens rétifs. Cette nouvelle insolite tire enfin les gens du Châtelard de leur torpeur : ils réclament leurs prêtres; la mission reprend: c'est un plein succès. C'est surtout une rencontre décisive: curé et missionnaire se lient d'amitié et décident de renoncer à tout autre ministère pour se consacrer aux missions; la Savoie en a un urgent besoin: pendant la Révolution, les paroisses sont restées sans prêtres ni instruction religieuse; avec peine, Monseigneur de Solles, reconstitue son clergé de Chambéry. Le pays a peu de ressources: on va chercher fortune à l'étranger. Quand ils reviennent de Paris ou de Genève, beaucoup jouent les esprits forts; nos "bons Savoyards" faute d'instruction, sont désarmés face à la moindre objection et incapables de résister à l'indifférence grandissante. En outre les séquelles du Jansénisme ne leur facilitent guère la vie chrétienne.
Il est urgent d'instruire: et pour instruire, pas de moyen plus efficace que la" Voix puissante des missions" comme dit M. Mermier.
Les missionnaires de saint François de Sales d'Annecy
A peine les deux jeunes missionnaires ont-ils commencé leur nouvel apostolat que Rome crée en 1822 un second diocèse en Savoie, le diocèse d'Annecy. Le nouvel évêque, Monseigneur de Thiollaz tient à garder auprès de lui son compatriote: il nomme l'abbé Mermier Directeur spirituel au Grand Séminaire.
M. Mermier cependant, continue l'apostolat des Missions: il fait appel à l'aide de curés et de vicaires qui rentrent dans leurs paroisses, une fois terminés les exercices. Ce n'est pas la solution idéale: appuyé par l'Evêque, le missionnaire réunit autour de lui un petit groupe de prêtres: dès 1830, ceux-ci envisagent de former une Congrégation religieuse.
En 1832, Monseigneur Pierre-Joseph Rey devient Évêque d'Annecy: joie pour les missionnaires qui connaissent le zèle apostolique du nouveau Pasteur. Celui-ci sera un vrai père pour la Congrégation naissante qu'il approuve le 24 octobre 1838 sous le nom de "Missionnaires de Saint-François de Sales" ; ils sont 716 prêtres et un frère.
"Missionnaires de Saint-François de Sales": Ce n'est point au hasard que l'on choisit ce patronage. François de Sales, c'est le Saint du pays, l'Apôtre du Chablais, l'Évêque qui a parcouru les paroisses les plus reculées du diocèse, le Maître très sûr d'une spiritualité au visage humain. Son souvenir est bien vivant dans les populations: en Savoie, on l'aime et on le vénère. Cet élan populaire et sa dévotion personnelle de prêtre Savoyard motivent le choix du Fondateur. Dans un discours aux missionnaires, Monseigneur Rey propose l'Évêque de Genève comme un exemple de douceur, mais surtout comme un modèle de zèle. M. Mermier insistera toujours sur la lecture et la méditation des écrits du Saint: ainsi se forme un esprit de simplicité, de bienveillance, de sérénité dans la confiance qui sera la marque des Missionnaires d'Annecy. La Congrégation reçoit en 1843, une première approbation du Saint-Siège.
En 1845, la jeune société ne compte qu'une dizaine de prêtres: Rome lui confie la mission de Visagapatam, en Inde, sur le Golfe du Bengale. 2000 chrétiens regroupés dans 4 stations distantes de 600 à 800 kilomètres les unes des autres. Pour évangéliser l'immense territoire, 5 prêtres et 2 frères. Les débuts sont extrêmement rudes, le climat meurtrier. Mais la semence germe: il y a aujourd'hui sur l'ancien territoire de la mission, 12 diocèses et 200000 chrétiens: littéralement le centuple; en outre, 80 frères, 1500 religieuses, 500 prêtres appartenant soit au clergé diocésain, soit à diverses congrégations.
Les sœurs de la Croix de Chavanod
Dans les années 1820, se forment dans quelques paroisses de Savoie, des groupes de jeunes filles: elles vivent et travaillent dans leurs familles ou chez les maîtres où elles sont en place: quelques-unes habitent ensemble un pauvre logement; elles suivent une Règle austère: régulièrement, elles se réunissent pour prier, entendre une lecture ou une instruction de M. le Curé. Elles visitent les malades, font le catéchisme aux petites filles: on les appelle les Filles de la Croix.
M. Mermier voudrait bien les introduire dans le diocèse d'Annecy. Il constate, cependant, la fragilité de ces petites communautés purement paroissiales. Lentement un projet mûrit: celui d'une congrégation religieuse ouverte aux filles les plus pauvres, vivant comme les pauvres, se mettant au service des pauvres.
En 1837, M. Mermier rencontre Claudine Echernier: depuis plus de 10 ans, elle tient le ménage de M. Delalex, curé de Chavanod à 8 kilomètres d'Annecy. Elle fait le catéchisme, apprend à lire aux petites filles, réunit souvent les jeunes filles. Gagnées par son exemple, plusieurs filles voudraient se joindre à Claudine et partager son genre de vie.
Ce groupe apparaît à M. Mermier comme une base pour la Congrégation dont il rêve: le Supérieur des Missionnaires, M. le Curé et Claudine précisent assez vite les contours d'une Congrégation religieuse. Monseigneur Rey encourage l'entreprise: en 1839, elles sont 10 à commencer leur Noviciat. Deux d'entre elles partagent la minuscule chambre de Claudine; les autres vivent dans leur famille: ce sont les sœurs de la Croix de Chavanod.
La fondation ne manque pas d'originalité. Elle comprend 3 classes: Les Filles de Croix qui habitent chez leurs parents ou chez des maîtres; Les Filles agrégées qui peuvent travailler au dehors, mais vivent en communauté; les Maîtresses d'écoles ou Régentes qui instruisent les pauvres gratuitement dans les petites paroisses qui ne peuvent se payer des Sœurs institutrices. Dès les premières années, le Fondateur constate, cependant que la classe des ouvrières externes a peu d'avenir.
M. Mermier suit de très près la jeune congrégation: il donne aux Sœurs de fréquentes causeries, prêche leurs retraites. Dans l'esprit de Saint-François de Sales, il leur enseigne une spiritualité faite d'humilité et de conformité à la volonté divine.
Les deux congrégations d'aujourd'hui
Dès 1886, les Sœurs de la Croix travaillent en Inde: elles débutent à Amravati dans le diocèse de Nagpur, confié alors aux Missionnaires d'Annecy. L'œuvre prospère: la Congrégation a 3 provinces en Inde et une "région" au Sri Lanka (Ceylan); elle a étendu son champ d'action au Congo et à la Tanzanie. Elle compte aujourd'hui 950 religieuses dont 730 en Inde: en Europe, leurs œuvres sont en France et en Suisse. Les Filles de la Croix sont demeurées fidèles à l'intuition du début: la plupart d'entre elles vivent en petites communautés et sont appliquées aux activités les plus diverses: aides familiales ou paroissiales, infirmières visiteuses, service hospitalier, secrétariat, œuvres paroissiales ou diocésaines, enseignement à tous les niveaux.
Les Missionnaires sont environ 500, répartis en 5 provinces: Province France-Suisse dans les diocèses d'Annecy, Créteil, Belley et en Suisse Romande; en Inde: Visakhapatnam dont les missionnaires travaillent dans une vingtaine de diocèses: dans l'Assa, cette province a formé une "région" ; Maharastra-Goa au service de 7 diocèses; une Province en Angleterre avec une fondation aux États-Unis; une Province au Brésil. La Congrégation a de très nombreuses écoles en Inde; elle est responsable des Collèges de Ville-la-Grand en France et d'Estavayer et Florimont (Genève) en Suisse. Quelques religieux œuvrent en paroisse, mais le principal objectif demeure l'apostolat missionnaire sous toutes ses formes: prédication de missions et de retraites, aumônerie d'œuvres diocésaines, presse, etc... En Inde, les religieux sont présents à toutes les activités d'un pays de missions: Quatre d'entre eux sont Évêques.
Dans ces œuvres qui semblent fort diverses, on demeure fidèle à l'intuition du Fondateur: accomplir une œuvre missionnaire dans l'Eglise en étroite collaboration avec le clergé local, incarner dans les milieux si divers d'Europe, d'Asie et d'Amérique l'esprit de Saint-François de Sales, sa vie intérieure faite d'Amour de Dieu et du prochain, sa bonté, sa bienveillance, son sens de l'accueil, sa simplicité.
A. Duval, M.S.F.S.
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Jean BOSCO ... "Au service des Jeunes"
Jean, François et les autres...
" Vous vous appellerez salésiens, mes enfants". Quand Don Bosco, en 1864, réunit les quelques jeunes qui vont être le premier noyau de sa société religieuse, cette appellation en référence à François de Sales n'est pas improvisée. On pourrait l'expliquer tout simplement par l'origine commune des deux hommes: ils étaient nés à deux siècles d'intervalle dans le Duché de Savoie qui ne devint officiellement français qu'à partir du Traité de Turin en 1860 et où François de Sales était évidemment connu et vénéré. Mais les faits prouvent qu'il s'est agi d'un attachement plus profond et déjà ancien de Jean Bosco pour le saint savoyard. Dès le grand Séminaire, il avait été attiré par la spiritualité de l'évêque de Genève, comme en témoigne cette résolution de sa retraite sacerdotale: "Que la douceur et la charité de saint François de Sales me guident en toute chose". Sa première église, en 1852, c'est à lui qu'il la dédie, ainsi que son premier "patronage". Et la devise qu'il fera celle des salésiens lui vient encore de François: "Donnez-moi des âmes, gardez le reste". Manifestement, Jean Bosco se sentait proche de son illustre prédécesseur et si l'humble prêtre des Becchi regarde vers un Evêque, un écrivain de talent, c'est qu'il s'est senti proche de lui, qu'il a reconnu en lui des affinités, ils ont dans leur travail apostolique, un même feu et une même approche des âmes.
Un même feu les brûle
Au centre de l'esprit salésien, comme une source d'énergie, il y a cette passion des âmes qui explique tout: tout ce qu'un homme peut entreprendre, supporter et espérer. Ce souci des âmes, chez Don Bosco comme chez François de Sales, s'origine dans une passion plus profonde: l'amour de Dieu, le désir d'étendre le Règne de Dieu. Depuis Jésus-Christ, chacun à leur façon, les Apôtres ont été des conquérants enthousiastes qui se sont donnés à fond, sans compter et jusqu'au bout.
Pas étonnant que Don Bosco soit à la fois fondateur de Congrégations (salésiens et salésiennes), homme de presse (encore un trait commun avec François de Sales), bâtisseur d'églises et d'écoles; que, malgré des occupations accablantes, il soit disponible aux appels du Pape et, plus encore, à ceux des jeunes les plus miséreux; qu'il en oublie de manger et de dormir; qu'il balaie les règles de la prudence humaine au point de passer pour un fou; qu'il supporte l'incompréhension, l'injustice, l'humiliation - toujours parce qu'il s'agit du bien des âmes; qu'il s'use jusqu'à la corde. Pas étonnant non plus qu'il ne cède jamais au découragement: il est au service d'un Dieu fort et il fait confiance aussi aux hommes - jeunes inclus - croyant en leurs ressources naturelles et spirituelles; là Don Bosco s'inspire particulièrement de l'humanisme optimiste de François de Sales. Tous deux sont des champions de l'espérance et de la joie.
Une même approche des âmes
La réussite de l'apostolat de François de Sales en Chablais a tenu surtout en sa "suavité", en son art de s'adapter aux personnes et aux circonstances. "On ne prend pas des mouches avec du vinaigre". Cette douceur, ce tact, cette délicatesse ne sont pas pure politique. Elles résultent d'un véritable amour pour les hommes et "rien ne réussit sans amour". Là aussi est tout le secret de Don Bosco: il aime les jeunes et il veut s'en faire aimer. Pas pour s'arrêter à lui, éducateur, mais "pour leur faire aimer Dieu". L'apôtre est un tremplin qui fait monter plus haut. L'esprit salésien sera donc un esprit de famille; la méthode salésienne fera appel à la confiance, au cœur, à la liberté.
C'est un soir de mai 1862. Comme il le fait tous les jours, Don Bosco adresse un dernier mot aux adolescents du Valdocco avant le coucher: "je veux vous dire une chose très importante: il faut que vous m'aidiez dans une entreprise qui me tient à cœur: sauver votre âme... Mais sans votre aide, je ne puis rien faire. j'ai besoin que nous nous mettions d'accord et qu'entre vous et moi s'établisse une véritable amitié et une vraie confiance". Ainsi Don Bosco sollicite le cœur, appelle l'adhésion du jeune. Il donnera aux salésiens et salésiennes cette consigne: créer un climat d'affection, une atmosphère familiale non pour gagner des jeunes à soi - ce n'est qu'une étape - mais pour les amener au Christ; ils devront sentir que les éducateurs salésiens les aiment et veulent leur véritable intérêt. C'est une pédagogie difficile, délicate, qui exige une présence continue auprès des jeunes et laisse peu de repos... Mais existe-t-il une éducation - même familiale - qui ne demande cette ascèse ?
Jean Bosco, parmi ces jeunes, avait fait le choix des pauvres, peut-être d'abord parce qu'ils sont le plus aimés de Dieu et les plus proches d'une situation qu'il avait connue - ce sont des frères de misère -, mais aussi parce qu'ils sont les plus démunis, souvent privés de moyens normaux d'existence, plus souvent encore sevrés d'affection. La pédagogie salésienne, faite d'attention et de respect, leur rendra courage et espérance.
François de Sales, Jean Bosco... des saints! Tous deux ont été tout près de Dieu, mais aussi tout près des autres. Tous deux ont été des messagers de l'amour réel de Dieu pour les hommes, pour tous sans distinction. Tous deux ont donné du Christ un visage souriant et fraternel. C'est l'Evangile. C'est la Bonne Nouvelle.
Georges Lairesse, s.d.b.
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Les membres de la famille salésienne de Don Bosco
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Salésiens et salésiennes:
Leurs activités principales s'exercent dans des collèges, des paroisses, des aumôneries diverses, dans des secteurs marginaux. Ils ont d'importantes missions dans le monde entier. Les salésiennes - dites aussi Filles de Marie-Auxiliatrice - sont 17.530 dans le monde, réparties en 1415 communautés. Elles ont été fondées en 1872 par Don Bosco et Mère Marie-Dominique Mazzarello (canonisée en 1951). Les Sœurs travaillent en milieu féminin dans des secteurs identiques à leurs frères salésiens, avec le même esprit et la même méthode pédagogique.
Coopérateurs et coopératrices
Cherchant à préciser la nature de ce rassemblement de personnes de toute condition et de tout état (des laïcs, sans exclure prêtres ni religieuses), Don Bosco le présentait comme une sorte de Tiers-Ordre dont la raison d'être est l'apostolat en faveur des jeunes et non d'abord une spiritualité ou la prière. Les Coopérateurs sont en priorité au service de l'Eglise locale, tout en se référant à Don Bosco, à son style et à son esprit. Ils ne sont pas au service des Salésiens mais de la mission salésienne. Ils ont été fondés par Don Bosco et se comptent par plusieurs centaines de milliers à travers le monde.
Volontaires de Don Bosco:
Ce sont des laïques" consacrées'" de situations sociales très diverses qui vivent leur vocation "sur le tas" dans le monde, selon l'esprit de Don Bosco. Pas d'habit distinctif. Leur apostolat reste anonyme. Elles émettent les trois vœux, font promesse d'apostolat et se retrouvent mensuellement et annuellement pour des récollections, une retraite et une session de formation.
Lancées en 1919 par le P. Philippe Rinaldi, 3e successeur de Don Bosco, elles ont été reconnues comme Institut séculier de droit pontifical en 1978. Elles sont actuellement environ 800 dans le monde et une trentaine seulement en France où le mouvement est d'implantation récente.
Anciens et Anciennes Élèves:
Les "A.D.B." du monde entier constituent une Confédération internationale formée de Fédérations Nationales des anciennes et anciens, issus des foyers, centres, patronages, écoles, paroisses et autres œuvres. La Fédération Française des anciens s'ouvre aussi plus largement aux "Amis de Don Bosco". En famille, ils ont souvent une méthode d'éducation inspirée de l'esprit salésien. Par leurs objectifs très libres et très variés, ils participent à la mission même de la société salésienne et en élargissent dans le monde les dimensions et l'efficacité par les valeurs humaines et religieuses qu'ils ont acquises chez Don Bosco.
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Les Sœurs Oblates de Saint François de Sales
Au service d'une jeunesse désemparée
Au milieu du dix-neuvième siècle, le début de l'industrialisation provoque, à Troyes, le développement de la bonneterie mais il suscite, en même temps, la ruée vers la ville de tout un monde de préadolescentes qui espèrent ainsi échapper à la misère. Sans expérience et isolées, elles se trouvent vite démunies moralement dans le climat souvent dégradant et le rythme pénible de l'usine.
Frappé par cette détresse, le Père Brisson, aumônier de la Visitation de Troyes, crée le premier foyer de jeunes travailleuses en France où l'on ne se contente pas d'accueillir mais où l'on forme des personnalités fermes et généreuses. Il est secondé dans cette tâche par Léonie Aviat, son ancienne élève de la Visitation, elle-même fort impressionnée par l'abandon et la misère des jeunes ouvrières. Sous le nom de Sœur Françoise de Sales, Léonie devient la fondatrice d'une Congrégation destinée à assurer la stabilité de l'œuvre et à la doter d'une spiritualité: celle de saint François de Sales.
Contemplative dans l'action.
Le Père Brisson nomme les premières Sœurs "Oblates de Saint François de Sales" pour qu'elles continuent "l'esprit de la Visitation ayant une vie active unie à la vie contemplative': Il ne s'agit pas pour elles de mener successivement une vie d'action et de contemplation mais d'être "contemplatives dans /' action':
Leur moyen: la pratique du Directoire spirituel de saint François de Sales, véritable raccourci du Traité de l'Amour de Dieu, rédigé par sainte Jeanne de Chantal deux ans après la mort du saint mais dont les premiers paragraphes sont de la main même du fondateur de la Visitation et donnent le ton de l'ensemble.
On peut le résumer ainsi: "Que toute leur vie et exercices soient pour s'unir à Dieu et au prochain': Le Directoire n'est autre que la loi de charité du Christ, l'Évangile en acte. Par les dispositions qu'il suggère en chaque circonstance, il aide l'âme à prendre en toutes choses le point de vue de Dieu, il surnaturalise tous les instants de la vie. La fidélité au moment présent et l'attention à la présence de Dieu deviennent ainsi les plus efficaces moyens d'apostolat.
Dès le début de la fondation, le zèle des Oblates s'est étendu à des œuvres variées. Rejoignant le souci de saint François de Sales de n'exclure personne de sa sollicitude, le Père Brisson disait en 1873 : "Je voudrais que les Oblates puissent atteindre tous les rangs de la société pour y porter la vie abondante de la doctrine de saint François de Saies': C'est pourquoi, très vite sont nées des écoles élémentaires et secondaires puis techniques à côté des foyers et des œuvres ouvrières.
"Fille parfaite de saint François de Sales'; selon l'expression du Cardinal Garrone, la Vénérable Mère Aviat a orienté résolument son action dans le sens d'une éducation salésienne, consciente que chaque âme a, dans le plan divin, sa physionomie particulière: donner aux jeunes filles "le sentiment de leur dignité et de leur devoir'; l'amour du travail bien fait.
Et pour cela, ne pas faire" d'éducation en serre chaude, à /'écart du monde" mais les aider à prendre leur propre vie en main et à rencontrer le Christ. L'apostolat de l'ouvrière par l'ouvrière a été le premier fruit de cette éducation.
Partout et avant tout, éducatrice.
Fidèle à l'impulsion donnée par la fondatrice, l'Oblate, quelle que soit sa tâche dans la Communauté où elle se trouve, s'efforce d'être une éducatrice. Elle reprend la méthode de saint François de Sales telle que la définit le Père Brisson qui en avait vu les résultats à la Visitation de Troyes: "dans l'âme la plus petite, la plus pauvre, saint François de Sales découvre le don de Dieu si minime qu'il soit et il s'en empare. Il commence par mettre en elle l'amour de Dieu et cet amour, secondé par la bonne volonté, devenant le mobile de toutes ses actions, il lui fait peu à peu et insensiblement déraciner ses défauts et acquérir les vertus contraires": Il ne s'agit pas d'appliquer des théories à l'aveugle, aussi séduisantes soient-elles, pour éduquer il faut, au contraire, être attentive à chaque personnalité, respecter ses dons et s'effacer pour laisser Dieu agir: "tout par amour et rien par force'.
Sœur Geneviève Agnès, O.S.ES.
Actuellement les Sœurs Oblates de saint François de Sales sont implantées en Europe: France, Italie, Angleterre, Suisse, Allemagne et Autriche, en Afrique du Sud, en Équateur, Colombie et U.S.A.
Leurs six Noviciats sont florissants. Elles se dévouent dans des œuvres multiples: à l'enseignement s'ajoutent les foyers de jeunes travailleuses qui continuent les œuvres ouvrières, les maisons de retraite pour dames, la catéchèse en paroisse.
Dépendent de la Congrégation les Sœurs Oblates Agrégées à vœux annuels. Il existe aussi une branche d'Associées laïques de saint François de Sales qui, participant aux avantages spirituels de la Congrégation, vivent du Directoire spirituel adapté à leur vie dans le monde.
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Les Oblats de Saint François de Sales.
La Congrégation des Oblats de saint François de Sales prend son origine dans le souhait qu'avait François de Sales lui-même de fonder une congrégation de prêtres continuant, selon son esprit, l'œuvre commencée, à côté de la Visitation.
Jeanne de Chantal partageait ce projet qui ne verra une réalisation durable que deux siècles plus tard, lorsque, sur l'insistance d'une visitandine, Mère Marie de Sales Chappuis, supérieure du monastère de Troyes, l'aumônier, l'abbé Louis Brisson, fondera, après maintes hésitations, les Oblats de saint François de Sales en 1875.
Pourquoi deux siècles plus tard? Principalement parce que cette époque, le dix-neuvième siècle, est marquée, entre autre, par un élan spirituel dans lequel naissent un certain nombre de congrégations ou de mouvements d'inspiration salésienne. Saint François de Sales est déclaré Docteur de l'Église en 1877. A Paris, Monseigneur de Ségur vient de lancer l'Association Saint François de Sales et demande aux évêques de l'implanter dans leur diocèse; l'abbé Brisson en est chargé à Troyes, par Monseigneur Ravinet, alors qu'il s'occupe déjà des œuvres ouvrières et de la fondation des sœurs Oblates. A Genève, Monseigneur Mermillod cherchait à créer une paroisse animée par une communauté de prêtres vivant de l'esprit salésien; mais les difficultés politiques l'obligent à fuir son diocèse. En 1865, au cours d'une conversation avec l'abbé Brisson, il lui faisait part de ses projets et l'encourageait à s'y engager: "Pourquoi ne pas faire fructifier la doctrine et les enseignements de mon prédécesseur François de Sales? Pourquoi ne pas former les générations nouvelles à l'image de cette grande figure qui domine son siècle et qui est faite pour illuminer le nôtre? (...) Mon vœu le plus pressant, c'est de rencontrer un homme ayant l'expérience de ces choses et qui veuille en tenter l'entreprise. Vous, mon cher ami, ne le pourriez-vous pas? Vous êtes au courant, je vous aiderais".
Porté par le courant spirituel de son temps, fort des encouragements de ses amis, stimulé - un peu trop à son goût! - par les prières de la Mère Marie de Sales, secoué par des signes plus extraordinaires comme l'apparition de Notre Seigneur le 24février 1865 dans le "parloir du haut" de la Visitation de Troyes, l'abbé Brisson se décide à rendre concrète l'intention divine en demandant aux moines d'Einsiedeln (Suisse) de lui fournir des documents salésiens pour l'élaboration de constitutions. De plus il voit dans la proposition que lui fait à ce moment-là Monseigneur Ravinet de réorganiser l'école Saint-Étienne à Troyes, le moyen pour la nouvelle communauté religieuse de vivre et de rayonner.
En 1873 commence le noviciat des six premiers religieux. En fin 1875, sur demande de son évêque, le père Brisson part pour Rome afin de voir confirmer le travail qui se fait: Léon XIII encourage le projet religieux. En août 1876, ceux-ci s'engagent par des vœux dans la vie religieuse communautaire: la Congrégation des Oblats de Saint François de Sales était née!
Pour Louis Brisson, ce champenois né à Plancy en 1817, ordonné prêtre en 1840 et décédé en 1908 dans sa maison natale livrée aux expropriateurs, il semble qu'il ne pouvait en être autrement dans son projet de vie chrétienne. Mû par la spiritualité salésienne apprise à la Visitation, il vit par son engagement religieux, l'épanouissement de son amour de Dieu se manifestant dans le choix d'un style de vie qui devait déjà simplement par lui-même signifier la présence discrète mais rayonnante du Royaume. Attentif aux hommes et à leurs difficultés, il cherchera toujours à créer, au travers des diverses activités et œuvres de l'Institut, des centres de relation où tous, quelle que soit leur condition sociale, puissent s'entendre dans leur différence et soient ainsi capables d'entendre une autre Parole. Patronages, collèges, animation spirituelle des œuvres des Oblates, paroisses manifestent la volonté d'une expression salésienne au cœur du monde, bien insérée dans la société pour apporter un regard de Dieu dans l'attention au prochain.
La Congrégation prend vite son essor en France, mais aussi dans les missions, en Afrique du Sud et en Amérique du Sud. L'expulsion des religieux au début du siècle va en dispersant les religieux, favoriser l'expansion des Oblats en Europe et aux Etats-Unis. Aujourd'hui, la Congrégation qui compte un petit millier de religieux, prêtres et frères, est divisée en Provinces et Régions: France, USA, Autriche, Allemagne, Hollande, Suisse, Italie, Afrique du Sud, Namibie, Brésil et Uruguay. En France, les Oblats animent plusieurs paroisses, deux établissements scolaires, des centres d'accueil, diverses aumôneries, une revue, des rencontres salésiennes.;. Activités multiples certes, mais reliées par un même objectif, la spécificité de l'Institut: "Les Oblats de Saint François de Sales se proposent de réaliser l'imitation du Christ et le service de l'Église dans le monde moderne, en vivant et en répandant la doctrine salésienne."
A l'approche du vingt-et-unième siècle, stimulées par leurs constitutions rénovées dans l'esprit de Vatican II, de François de Sales et de leur fondateur, les Oblats sont invités à assumer la tradition vivante de leur institut et à répondre aux "signes des temps" comme le fit, en son temps le Père Brisson dont il fut dit qu'i! avait une particulière affection pour les petits et pour les humbles." C'est pourquoi une constitution souligne que "les Oblats sont appelés à entrer dans la société telle qu'elle est et à la faire chrétienne par tous les moyens possibles, s'engageant d'une manière particulière à promouvoir la justice à l'égard des opprimés et des foulés aux pieds': Allier la tradition et les signes des temps, c'est donc aujourd'hui tenter de vivre un engagement religieux communautaire avec le souci d'une recherche active de plus de justice et de paix. Tâche difficile certes, souvent compromise, mais enthousiasmante pour celui qui, en communauté et devant le monde veut témoigner du feu qui le dévore: l'Évangile comme Bonne Nouvelle libératrice.
Bernard Baussand, osfs
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L'institut séculier de Saint François de Sales.
C'est dans les années 1940-1943 que quelques femmes célibataires ont voulu former une association, et pour ce faire, elles ont demandé au Père Franz Reisinger osfs. à Vienne (Autriche) d'être leur conseiller spirituel..
La première consécration commune a été faite par 12 sœurs le 4 juin 1944. A partir de cette date, régulièrement à l'occasion de réunions hebdomadaires, le Père Reisinger a expliqué le Directoire et l'esprit de l'association.
Première reconnaissance en 1947 par l'Archevêché de Vienne sous le nom d'Association (ou communauté) des Sœurs Salésiennes. Le 1er juin 1964 approbation des Constitutions par Rome et le 16 juin l'Association est érigée en Institut séculier.
L'Assemblée Générale de 1973 lui donne son titre définitif: Institut Séculier de Saint François de Sales.
"Si nous cherchons ce qu'il y a d'essentiel dans notre vie de consacrées, nous trouverons sans doute que c'est l'abandon total de notre vie à Dieu dans l'imitation amoureuse du Christ - en un mot, la véritable union à Dieu dans la Charité, par l'Amour du Christ et son Imitation". Père Reisinger
Les membres d'un Institut Séculier sont des laïcs consacrés par des vœux, engagés dans le monde pour porter témoignage en vivant les conseils évangéliques dans leur milieu familial, social, professionnel. Cela consiste dans le fait (d'acquérir, au milieu des autres) de vivre au milieu d'eux, une des pratiques différentes, précisément inspirée par une "réalité spirituelle" qui n'est autre que le Christ avec qui nous vivons en Amitié permanente (prière, contemplation, oraison, eucharistie).
La spiritualité salésienne est fondée sur la nature profonde de toute personnalité humaine et sur le mystère de l'Amour divin.
"Je vous souhaite l'Esprit de Liberté, c'est-à-dire la liberté des enfants de Dieu. Et qu'est-ce? C'est un dégagement du cœur chrétien de toutes choses pour suivre la volonté de Dieu reconnue. Nous demandons à Dieu avant toutes choses que Son Nom soit sanctifié, que son Royaume advienne, que Sa Volonté soit faite en la terre comme au ciel. Tout cela n'est autre chose que l'esprit de liberté, car pourvu que le Nom de Dieu soit sanctifié, que Sa Majesté règne en nous, que sa volonté soit faite, l'Esprit ne se soucie pas d'autre chose." (F de Sales - De la vie parfaite - p. 164).
Eliane BERATTO
En Saint François de Sales nous trouvons un modèle, qui nous aide à développer ce charisme dans le monde d'aujourd'hui et à redécouvrir chaque jour d'un œil nouveau:
· Priorité à l'Amour
· En toute chose "Esprit de Liberté" .
· Rendre Dieu présent dans notre existence par le témoignage de notre vie.
· Découvrir la réponse de l'Amour à l'appel de Dieu jusque dans les moindres détails de notre vie.
· Porter la joie et l'espérance dans notre monde tourmenté.
En Marie nous trouvons un modèle. C'est dans un esprit de gratitude et de confiance en Dieu que nous trouvons le courage de risquer notre vie sur la parole de Dieu.
Bonté, Douceur, Respect, Oubli de soi et Disponibilité sont les "Marques" d'une vie consacrée selon Saint François de Sales.
L'Institut compte actuellement près de deux cents membres répartis en plusieurs groupes en Autriche, Allemagne, Brésil, Italie, France, Suisse et U.SA. En France le groupe débute et possède un lieu permanent de rencontre situé en Dordogne à Notre Dame de Rochebois - Vitrac 24200 Sarlat - La Caneda.
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Naissance d'un laïcat salésien
Sainteté en plein monde
Séduit par l'Introduction à la Vie Dévote, il est convaincu que les laïcs sont, eux aussi, appelés à la sainteté au sein des obligations du monde, et il souhaite leur en donner les moyens par une règle de vie et le soutien de l'amitié fraternelle.
Sa méthode de direction spirituelle empruntée à Saint François de Sales qui allie douceur et fermeté, aura la même efficacité dans tous les milieux.
Il discerne parmi ses dirigées Mme Carré de Malberg qui, en 1872, devient la co-fondatrice de la Société Saint François de Sales.
L'Abbé Chaumont (1838-1896)
Prêtre à l'écoute de son temps
On peut s'interroger sur le foisonnement d'institutions nouvelles se réclamant de l'esprit salésien dans la deuxième moitié du XIX" siècle.
Ce genre de phénomène ne s'explique pas par de simples coïncidences. Nous pourrons peut-être découvrir la raison de ce courant spirituel à travers la vie et l'œuvre d'un de ses animateurs, l'Abbé Henri Chaumont.
La vie de l'Église et les crises qu'elle a traversées ont toujours vu surgir des vocations originales suscitées par Dieu pour s'affronter aux besoins de leur temps.
Ce qui caractérise l'histoire de Monsieur Chaumont, c'est la façon dont il s'adapte aux contradictions d'une société déchirée et poussée aux passions extrêmes.
Une intuition surgit alors. Saint François de Sales n'a-t-il pas vécu une situation analogue de tension entre une Eglise repliée sur ses routines et décidée à les défendre, et une volonté de renouvellement répondant aux changements de la société. Il a aidé ses contemporains à dépasser leurs affrontements en étant attentif à la diversité des tempéraments, des vocations, des situations, des états de vie.
L'enfance d'Henri Chaumont le préparera à cette confrontation. Ses études secondaires sont interrompues par son mauvais état de santé. Il fait alors un apprentissage d'horloger. Il entrera ensuite au Petit Séminaire, puis, au Grand Séminaire Saint Sulpice, il posera les bases solides de son futur ministère: piété eucharistique, approfondissement de l'esprit de discernement salésien dans la direction spirituelle, souci des missions lointaines, groupement sacerdotal fraternel.
Ordonné prêtre en 1864, il est nommé vicaire à Saint Marcel. Il y découvre le dénuement des chiffonniers vivant dans des terrains vagues et l'hostilité de la franc-maçonnerie qui accuse l'Église de favoriser les injustices sociales.
Ce ministère populaire, complété par son expérience d'aumônier de l'hôpital de la Salpêtrière, ne le trouve pas plus dépourvu qu'il ne le sera ensuite dans sa mission auprès des milieux de la paroisse Sainte Clotilde où il est nommé vicaire en 1868.
Après la Commune, il défendra efficacement ses anciens paroissiens de Saint Marcel, entraînés par la vague révolutionnaire, contre la répression sévère des vainqueurs.
Par son rayonnement apostolique, son dévouement inlassable à tous, il suscite un renouveau spirituel qui s'exprime en particulier dans la dévotion eucharistique et la fondation d'associations de laïcs
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La société des Filles >de Saint François de Sales
Famille spirituelle originale approuvée par l’Église en 1911 et en 1981
Des laïcs ;
La Société Saint François de Sales
Elle s'adresse à toute chrétienne mariée, veuve ou célibataire qui souhaite vivre authentiquement les appels profonds de son baptême.
. Ses membres cherchent ensemble à répondre à l'appel universel à la sainteté, chacun selon sa vocation propre dans les conditions de sa vie personnelle: familiale, sociale et professionnelle.
. Saint François de Sales ayant affirmé: "Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite" au sens baptismal (Introduction à la Vie Dévote), la Société se trouve dans le Docteur de l'Amour un guide sûr.
. Convaincus que Dieu aime l'homme qui porte en lui des richesse insoupçonnées ses membres se veulent disponibles à l'action de l'Esprit Saint afin que leurs gestes soient révélateurs de la "tendresse de Dieu".
. La confiance toute filiale dans l'Amour du Père les invite à la simplicité, à la générosité, sources de paix et de sérénité.
"L'Amour de Dieu doit être votre élément et l'atmosphère dans laquelle vous devez vivre",
Monsieur Chaumont, 1875.
Pour être fidèle à leur consécration salésienne au sein de leur famille spirituelle, une Règle de Vie les aide à Vivre l'Évangile:
selon l'Esprit de Jésus
dans l'Église et dans le monde
en disciples de Saint François de Sales
avec Marie, Mère de l'Église et notre Mère.
L'amitié, le partage fraternel lors de rencontres régulières, un approfondissement doctrinal et salésien contribuent à fortifier leur vie chrétienne dans un monde matérialisé.
La Société n'a pas d'activités apostoliques propres mais chacun de ses membres, selon ses aptitudes et ses moyens, participe à la vie de l'Église: catéchèse, aide aux prêtres, action catholique, service des malades, préparation au mariage, conseil de parents d'élèves, animation d'associations diverses, etc.
Chaque membre se sent pleinement "engagé" dans l'Évangélisation du monde.
Elle compte actuellement 3520 associées, réparties dans quatre continents, et peut recevoir des foyers.
Centre Salésien 57-59 rue Léon Frot 75011 Paris
S. RIO
Des religieuses :
Salésiennes Missionnaires de Marie Immaculée
(S.M.M.I.)
appelées à vivre l'Évangile dans la mission confiée à l'Église par Jésus-Christ pour le monde entier.
. A l'appel d'un Évêque missionnaire, quatre Filles de Saint François de Sales partent à Nagpur - Inde Centrale - En 1889 avec un projet précis: être au service du Diocèse pour seconder les Prêtres missionnaires, spécialement dans l'approche de la femme.
. Aujourd'hui, à leur suite, les S.M.M.I. annoncent et révèlent Jésus-Christ en religieuses:
. conduites par l'Esprit Saint, elles suivent Jésus" doux et humble de cœur" selon la spiritualité salésienne;
. envoyées comme les Apôtres, elles se consacrent à l'évangélisation des pauvres, avec une attention spéciale de la femme, afin d'en faire une apôtre de l'Evangile;
. elles font dans leur vie une place spéciale à Marie, Mère de l'Église, désirant être les instruments de celle qui, par son" oui" a donné le Christ aux hommes et, par son amour maternel, conduit les Hommes au Christ.
. Les S.M.M.I. sont rassemblées en communautés internationales, ayant pour centre vivant et source d'unité l'Eucharistie et la Parole de Dieu. Elles sont disponibles aux appels de l'Eglise, quel que soit leur pays d'origine, pour tout continent, toute tâche apostolique, ouvertes aux différentes mentalités, modes de vie, langues, cultures, rites.
Elles sont actuellement 948, de diverses nationalités, réparties en 112 communautés en Europe, Algérie, Chili, Inde, Bangladesh, Madagascar, La Réunion.
. Quelques exemples de leur action:
- Catéchuménats,
- Camps-missions,
- Construction et animation des Communautés Chrétiennes,
- Alphabétisation, œuvres d'éducation,
- Action médico-sociale (léproseries, homes d'incurables et d'handicapés, etc...),
- Contacts avec les populations reculées des jungles et des montagnes...
Sœur Thérèse-Luc POISSONNIER, S.M.M.I.
Salésiennes de Marie-Immaculée 22, rue de Varellne, 75007 Paris
Sociétés Salésiennes masculines
Monsieur Chaumont est appelé dans toute la France pour prêcher des retraites sacerdotales, car le clergé français souffre d'isolement, manque d'espérance et de références spirituelles adaptées à l'époque.
Les initiatives de Monsieur Chaumont semblent répondre à ces besoins:
. Avec l'accord de Monseigneur de Ségur, qui acceptera la présidence de la Société des Prêtres de Saint François de Sales, s'organise une association de prêtres diocésains qui seront formés à la direction spirituelle. La fondation de cette association est particulièrement sollicitée par les Filles de Saint François de Sales.
Aujourd'hui les Prêtres de Saint François de Sales sont implantés en Europe, en Amérique Latine et en Afrique, où ils exercent leur vocation d'animateurs spirituels tant au plan individuel, qu'auprès de groupes paroissiaux ou diocésains.
. Une association d'hommes est fondée en 1887, dont l'objectif est le service de l'Église dans toutes ses activités apostoliques. Auxiliaires des Prêtres, les Fils de Saint François de Sales, reçoivent une formation selon la spiritualité salésienne. Par cette formation permanente, la Société donne à ses membres un moyen privilégié pour vivre l'Action Catholique.
Des groupes de Fils de Saint François de Sales répandent l'équilibre et le dynamisme apostolique de la spiritualité salésienne en Europe, aux U.S.A. et en Haïti. Ils s'implantent actuellement en Amérique Latine.
Ces deux associations s'appliquent à étudier et à faire connaître les documents du Concile Vatican II, comme Saint François de Sales le fit pour le Concile de Trente et Monsieur Chaumont pour celui de Vatican 1.
(Le siège central de ces deux sociétés est: 22, rue de Varenne, Paris 7, tél. : 222.89.23).
Jacques PICHAT, psys
Conclusions
Toute la vie de Monsieur Chaumont a été marquée par un élan créateur dû à l'attention des besoins de son temps. Il sut écouter les laïcs qui l'entouraient et spécialement les femmes, mais aussi sut s'appuyer sur des conseillers spirituels éminents comme Monseigneur de Ségur, Monseigneur Mermillod, le Père Tissot, Supérieur des Missionnaires de Saint François de Sales.
Les sociétés fondées par lui ont des traditions spirituelles communes:
"oraison vitale" chère à Saint François de Sales, dévotion eucharistique, disponibilité aux inspirations du Saint Esprit, joie et bienveillance fraternelles.
En 1881, une circonstance providentielle permet de mettre au point une méthode de formation fondamentale: "les Probations", temps forts de lectures, de réflexion et de prière convergeant vers l'acquisition d'une des vertus évangéliques prisées par Saint François de Sales. Cette méthode s'est maintenue dans l'ensemble des sociétés.
A l'école de l'évêque de Genève, Monsieur Chaumont a toujours conjugué droiture de conscience et sens de la croix, d'une part, douceur, bienveillance joyeuse et miséricorde, de l'autre.
Les institutions qu'il fonda sont toujours vivantes. Elles approfondissent le sens de ses intuitions pour animer de l'esprit de François de Sales les temps qui viennent.
Raymond GAUTIER, psys.
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L'apostolat par la presse
On sait que François de Sales est habituellement tenu pour le patron des journalistes, et dans bien des villes de France, - Paris et Lyon entre autres -, il est de tradition, à l'occasion de sa fête en fin janvier, de réunir les journalistes chrétiens autour de l'évêque ou du cardinal du lieu, pour y réfléchir et prier ensemble, en s'inspirant des méthodes et de l'esprit du saint.
D'où vient exactement cette référence? D'une expérience audacieuse de François de Sales, tout jeune prêtre, alors qu'il venait, sur sa demande, d'être chargé par son évêque de prendre en charge la conversion du Chablais. Il s'agissait de ces cantons et villages autour de Thonon, qui, tout en restant sous la juridiction du duc de Savoie, prince catholique, n'en étaient pas moins passés à l'hérésie calviniste, sous l'influence des pasteurs de Berne et de Genève, lesquels régnaient en maîtres sur toute la région.
L'évêque d'Annecy, Monseigneur Granier, voulait ramener ces villages à la foi catholique et considérait ce dessein comme le premier de ses devoirs puisqu'il s'agissait de ses propres diocésains. Mais le clergé local n'était pas chaud pour l'aventure. François, prêtre depuis moins d'un an, mais déjà prévôt du chapitre - à 27 ans - s'était proposé pour cette rude tâche, à laquelle sa culture exceptionnelle (14 ans d'études) mais surtout son amour de l'Église semblaient en effet le destiner.
Et il était parti sur place avec son cousin Louis de Sales, pour le seconder, à l'automne de 1594. Il restait en Chablais une cinquantaine de catholiques, au plus. Les missionnaires s'efforcent d'abord de les réunir et, à partir d'eux, de s'adresser à leurs voisins passés à l'hérésie. Mais les voisins ne viennent pas les entendre, ordre ayant été donné par les pasteurs de fuir comme la peste les papistes envoyés pour les ramener aux erreurs romaines.
Les débuts furent très durs et quatre mois de prédication s'écoulèrent sans aucun résultat apparent.
C'est alors qu'un ami de la famille de Sales, probablement Monsieur de Charmoisy, (dont le fils avait épousé Louise du Chastel, la future Philothée de l'introduction) proposa à François de "faire entrer par les yeux de ces pauvres égarés la doctrine qu'ils refusaient de recevoir par l'oreille". "Je n'y eusse pas pensé, devait avouer François, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eut sommé et donné le courage" (Les Controverses, p. 4).
Dès lors il se mit à rédiger d'abord une "Epître à Messieurs de Thonon" puis toute une série de tracts dont les principaux seront gardés dans "Les Controverses", le premier volume des œuvres complètes de l'édition d'Annecy.
Dans l'Epître aux Messieurs de Thonon, datée du "jour de la conversion de Saint Pol" (25 janvier 1595) François. annonce son projet: "Messieurs, ayant déjà continué quelques mois la prédication de la parole de Dieu, sans me voir écouté des vôtres, je me suis mis à réduire par écrit une partie des remontrances et traités que j'ai fait à vive voix... pour la défense de la créance ancienne de l'Église contre les accusations qu'on vous a si souvent représentées ci-devant contre icelle..." (Les Controverses, p. 1-6).
Toute la lettre mériterait d'être lue, car elle précise ce que désire avant tout François: un éclairage serein des vérités chrétiennes à base d'Écriture Sainte, très souvent citée dans les tracts, sans volonté de polémique envers les personnes mais en leur affirmant au contraire que "vous ne lirez jamais écrit qui ne vous soit donné par homme plus affectionné à votre service spirituel."
Ces tracts étaient composés "le plus souvent la nuit, dans la petite chambre, mal chauffée et mal éclairée, de la forteresse des Allinges", à quelques kilomètres de Thonon, puis envoyés pour impression chaque semaine, à Chambéry, et dès leur retour, glissés sous les portes des habitants de Thonon et de la campagne. Il s'agissait donc bien de l'utilisation de la presse. Beaucoup de ces tracts se présentent d'ailleurs, en leur brièveté, comme de véritables articles de journaliste. On entre tout de suite, sans préambule dans le vif du sujet, les phrases sont courtes et nerveuses, le style imagé, le trait porte bien. Accusant les maîtres de l'hérésie de parler sans mission, il écrit: "Ils couraient çà et là semer ces nouvelles, mais qui les en avait chargés? Vous voyez bien où je veux battre: c'est sur la faute de mission et de vocation de Luther, Zwingle, Calvin et des autres, car c'est une chose certaine que quiconque veut enseigner et tenir rang de pasteur en l'Eglise, il doit être envoyé"...
Cette bataille nouvelle, à coups d'écrits, durera deux ans. Elle sera gagnée, suscitera de nombreuses conversions par l'appel à la réflexion autour des textes lus et relus et peut encore aujourd'hui servir de modèle à tout journaliste chrétien.
Claude ROFFAT, p.s.f.s
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