Je leur donne à manger pour qu'ils vivent dans la dignité (16 décembre 2011)

120.jpg

Un cuisinier aux allures extravagantes sur la plate-forme d'extraction du pétrole, propose des menus étonnants pour une cantine d'ouvriers

Mon premier jour en cuisine fut une surprise absolue. Je m'attendais à des haricots sautés, des tripes ou des viandes dans le style du Sonora:

- Mais tu ne comprends donc rien à rien! Toi, tout ce que tu vois, dehors, c'est un tas de brutes sans âmes qui bossent comme des bêtes de l'aurore jusqu'au couchant. Moi, je vois des hommes de courage qui transpirent et se tordent sous cette chaleur de dingue et qui ont besoin d'une compensation après la brutalité de leur travail. Ce sont des chevaliers errants qui se retrouvent coincés ici, prisonniers de l'enchanteur Pognon qui leur a jeté un sort. Je leur rappelle à ma manière qu'un jour ils étaient libres et fiers, en leur offrant les meilleurs mets du monde. Ceux que mangent un roi ou un président de la République.

Je cuisine pour eux, pour mes beaux guerriers du pétrole. Ils sont mon œuvre d'art. Je m'installe dans leurs bouches, je me faufile dans leurs entrailles et j'y dépose une graine de grandeur. Je leur donne à manger pour qu'ils vivent dans la dignité. Je t'assure que la plus belle réussite en cuisine est d'arriver à remplir les estomacs avec de l'imagination. Et tu t'imagines qu'ils ne m'en sont pas reconnaissants?

José Manuel Fajardo, l'Eau à la bouche, Métailié, pp 209-210

 

Le mot d'Avent du jour :

"Jouez hautbois,
Résonnez musettes,
Que retentissent les tambourins
Devant le Seigneur qui vient ...     lire la suite

 

Voir la vidéo du jour

| Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |