C’est dans notre vie que, du matin au soir, coule entre les rives de notre maison, de nos rues, de nos rencontres, la parole où Dieu veut résider. C’est dans notre esprit qui nous fait nous-mêmes à travers les actes de notre travail, de nos peines, de nos joies, de nos amours, que la parole de Dieu veut demeurer. La phrase du Seigneur que nous avons arrachée à l’Évangile dans une messe du matin ou dans une course de métro, ou entre deux travaux de ménage, ou le soir dans notre lit, elle ne doit plus nous quitter, pas plus que ne nous quitte notre vie ou notre esprit. Elle veut féconder, modifier, renouveler la poignée de main que nous aurons à donner, notre effort sur notre tâche, notre regard sur ceux que nous rencontrons, notre réaction sur la fatigue, notre sursaut devant la douleur, notre épanouissement dans la joie. Elle veut être chez elle partout où nous sommes chez nous. Elle veut être nous-mêmes partout où nous sommes nous. La parole du Seigneur, elle exige notre respect ; si notre vie a des pauses possibles, elle veut posséder à la fois un peu ou beaucoup de ces pauses, elle exige que notre esprit s’occupe exclusivement d’elle, veut de lui le sacrifice de tout ce qui vaut moins qu’elle. Elle veut que l’on prie sur elle dans l’oubli de tout ce qui est si peu à côté d’elle.
Madeleine DelbrêlNous autres, gens des rues, Textes missionnaires, Le Seuil, 1996.