Le mot
SALESIEN évoque tout d'abord
ST FRANÇOIS DE SALES
dont la spiritualité consiste à
tout accueillir et tout accomplir par amour (de Dieu et des Hommes)
et rien par force.
C'est donc une
ATTITUDE INTERIEURE
qu'évoque en premier lieu pour moi le mot SALESIEN,
attitude intérieure qui motive tous les comportements: pensées, paroles, et actes.
Cette attitude intérieure est tout d'abord bâtie sur
la découverte fondamentale que nous sommes aimés de Dieu. ..
cette découverte de l'amour gratuit de Dieu engendre à la plus fine pointe de l'âme au moins,
une sérénité, une confiance qu'on ne peut décrire mais qui donne à celui qui la possède une sorte d'équilibre,
de sagesse qui permet d'être au-dessus de beaucoup de contingences humaines débilitantes
et surtout qui pousse à aller vers les autres et à éveiller chez eux la même découverte
afin qu'ils puissent s'épanouir et vivre la même espérance.
Le mot SALESIEN évoque donc aussi cette
CHARITE APOSTOLIQUE,
qui connaît la grandeur de la vocation de l'homme (puisque Dieu l'aime),
qui se préoccupe de tous ceux qui ne connaissent pas ce chemin de salut
et qui éprouve le soin d'aller vers eux pour les aider à voir et à croire.
Le mot SALESIEN évoque également la
MANIERE d'aller vers les autres.
Comme Dieu vient dans notre vie plein de tendresse et d'attention pour tout ce qui nous touche,
il faut aller vers les autres avec la même tendresse et la même attention,
persuadé que c'est le désir le plus profond de Dieu de rassembler tous ses enfants.
C'est pourquoi certains aspects évangéliques sont privilégiés dans la démarche salésienne.
Tels que:
1. le thème de la paternité divine - de même que l'on se comporte en fils de Dieu en face du Père, de même on tente de revêtir la mentalité du Père dans notre approche des jeunes (aux antipodes du paternalisme);
2. la préférence divine pour les petits et les pauvres, ceux qui ont besoin d'aide et qui acceptent l'intervention de Dieu;
3. l'attitude du bon Pasteur qui connaît et aime ses brebis.
Le mot SALESIEN évoque encore
AFFECTION qui se témoigne,
CORDIALITE,
éducation à partir d'un contact direct et qui fait appel à toutes les forces et
ressources intérieures des jeunes et des autres: la raison, le cœur et la joie.
Le mot SALESIEN évoque encore un
CLIMAT, une
ATMOSPHERE DE FAMILLE.
Le mot SALESIEN évoque aussi un travailleur infatigable
qui conscient de l'urgence d'aller vers les autres,
ne s'arrête pas, est créatif et réaliste et fait ce qu'il peut tout de suite,
sans attendre que toutes les conditions optimales lui soient données.
(
La vie salésienne est un amour en acte et une vie donnée) C'est
une mystique de l'action.
Le mot SALESIEN enfin désigne celui ou celle qui,
séduit par la tendresse merveilleuse de Dieu, devient à son tour séducteur de Dieu
et dont la préoccupation constante et unique est de permettre aux autres d'atteindre
cette tendresse de Dieu. Cela signifie concrètement une prédilection pour tous ceux
qui n'ont pas les chances normales d'hommes et de fils de Dieu et en particulier parmi ceux-là,
les jeunes qui sont la part délicate de la société.
Michel Doutreluingne sdb
« Ce n'est pas par la grandeur de nos
actions que nous plaisons à Dieu, mais par
l'amour avec lequel nous les faisons...
C'est l'amour qui donne la perfection et le
prix de nos oeuvres. »
| St François de Sales
Une conférence de JM PETITCLERC sdb
« Une société qui ne sait plus transmettre la vertu d’espérance à ses jeunes membres est une société qui
désespère d’elle-même. »
| lire la suite
EXTRAIT DE : Histoire de la spiritualité moderne et contemporaine (Automne 1998)
Faculté de théologie et de sciences religieuses Université Laval, Québec, QC
Professeur: Hermann Giguère
1.3.1
Orientation de base: le primat de l'amour
C'est une orientation théologique et pratique. Pour François de Sales, le primat de l'amour est fondé
sur une anthropologie, une vision de l'homme dans ses rapports avec Dieu. Il a une vision optimiste
de Dieu et de l'homme. Celle-ci découle en grande partie de son expérience personnelle,
notamment la crise de ses dix-neuf ans. Cette vision optimiste s'oppose à une vision plutôt
pessimiste d'origine augustinienne dans laquelle l'homme n'a rien de bon. François de Sales prend
la contrepartie de ce pessimisme ambiant.
a)
Vision de Dieu
- Il va renverser les perspectives qui ont cours à son époque. Il insiste sur la miséricorde de Dieu, sa
bonté, son amour. Et il est moins sensible à la justice, à la colère et à la puissance de Dieu.
Beaucoup de sermons de son époque portaient sur la puissance de Dieu qui punissait; sur le Christ
subissant la colère de Dieu; sur la vengeance de la faute. Le résultat du virage qu'opère François
est une attitude de confiance en Dieu plutôt que la peur et la crainte.
- Il insiste aussi sur l'aspect de gratuité de l'amour de Dieu qui nous aime sans mérite de notre part.
Il va tout centrer là-dessus. L'amour de Dieu qui nous prévient, qui est premier. Il développe sur ce
plan des positions théologiques très précises. Il s'éloigne des thèses thomistes, pour adopter les
positions du jésuite de Lisbonne Luis Molina (1536-1600) qui avait publié en 1588 son Concordia
liberii arbitrii cum gratiae donis, mais que François ne cite pas par ailleurs (cf. Lajeunie, t. 1 p. 150).
Il est plus moliniste que thomiste sur ces questions. Dans l'élaboration de sa spiritualité, il part d'une
perspective plus existentielle et pratique plutôt que théorique. Peu importe les opinions
théologiques. Il a mis au centre de sa vie la primauté de l'amour et il en fait le pivot de toute sa
spiritualité.
Ainsi François de Sales n'est pas du tout augustinien comme le seront les jansénistes plus tard. En
conséquence, sa théologie présente une conception optimiste de la grâce, du salut et de Dieu luimême.
b)
Vision de l'homme
François de Sales va être frappé par une certaine bonté naturelle de l'homme. Il est un peu dans la
ligne de Jean-Jacques Rousseau, avant le temps. Il est frappé par cette capacité de faire le bien
qu'il y a en tout individu quelque soit son statut social ou ses opinions, d'où son respect pour les
calvinistes. Il va se faire le promoteur d'un "humanisme dévot" (Brémond), a-t-on écrit, pour qualifier
sa spiritualité, une spiritualité intégrée, pourrait-on dire en langage d'aujourd'hui (ou humanisme
spirituel) où se manifeste, une très grande confiance dans l'homme. Il s'intéresse toujours aux
aspects humains de la vie spirituelle, nous rappelant ainsi le mot de Pascal qui notait: "Qui veut faire
l'ange, fait la bête". On ne peut, en effet, mettre de côté les réactions naturelles humaines sans
risquer de s'évader dans l'illusion et le rêve.
1.3.2
Conséquences de cette primauté de l'amour
a)
Le but et le moyen de la perfection, pour François de Sales,
c'est l'amour. L'amour est le but et
l'amour est aussi le moyen particulier pour arriver à la perfection. L'originalité de François de Sales,
ce n'est pas de le dire, car saint Paul l'avait dit avant lui cf. I Co 13. L'originalité de François de
Sales réside dans le fait qu'il structure tout autour de cela.
b) Ainsi en ce qui regarde
l'ascèse ou les efforts de l'homme dans son chemin spirituel: ce ne sont
pas les jeûnes, les veilles, les sacrifices, les actes, mais l'intention avec laquelle ces pratiques sont
faites qui compte. Leur qualité réside dans l'intention. Il va sans cesse maintenir que c'est l'intention
de charité (d'amour) qui anime nos actions qui leur donne toute leur valeur. Pas d'ascèse pour
l'ascèse, pas de pratiques pour les pratiques, mais ascèse, exercices animés d'une intention qui leur
donne toute leur valeur. Pris en eux-mêmes, dira-t-il, exercices et les pratiques de toutes sortes n'on
aucune valeur.
1.3.3
Les thèmes particuliers de sa spiritualité
a)
Sanctification dans sa situation de vie.
François de Sales met l'insistance sur la sanctification dans sa situation de vie. Il insiste sur le devoir
d'état. C'est dans l'état où nous sommes que nous trouvons le lieu et le moyen de notre
sanctification. Voir dans le Recueil de textes et documents ses lettres à des femmes mariées
éditées par l'abbé Caffarel à ce sujet.
Il accorde une grande importance à la sanctification dans le mariage. Il est un des premiers auteurs
spirituels à écrire pour les gens mariés. Il esquisse une véritable spiritualité conjugale. Il met la
première fin du mariage dans l'amour mutuel et non dans la procréation, ce que reprendra Vatican
II.
Il prône un réalisme dans la vie spirituelle, une certaine patience avec soi-même, et accorde
beaucoup d'importance au rôle des "petites croix" dans la vie quotidienne. Il se méfie de ceux et
celles qui "cheminent par les sommets". Il propose une spiritualité à la portée de tous, accessible à
tous.
b)
La méthode de prière
Il va donner une méthode simple, adaptée aux laïcs qui ne sont pas des contemplatifs dans les
cloîtres. Une prière méthodique. Il l'exprime dans l'Introduction à la vie dévote pour Philothée, c'està-
dire pour Madame Charmoisy et pour nous aussi. Il explique comment méditer sur un mystère ou
sur l’Évangile. C'est lui qui a introduit l'idée d'un bouquet spirituel: une phrase ou une pensée qui
rappelle durant la journée ce que l'on a vécu dans la prière.
Il accorde de l'importance à la prière liturgique et non seulement à la prière privée. Il n'est pas dans
la ligne de la prière simplement inspirée, sans aucun point d'appui.
c)
Sa pédagogie spirituelle
Pour François de Sales, la direction spirituelle ou l'accompagnement spirituel est une oeuvre de
collaboration entre un directeur (un accompagnateur ou une accompagnatrice) qui est un ami et une
personne qui vient auprès de lui pour prendre des conseils. Il élabore une pédagogie spirituelle
centrée sur la personne. Il est rogérien avant le temps, peut-être. En tout cas, sans parler
directement de non-directivité, il sait laisser celui ou celle qu'il accompagne se prendre en main par
lui-même. Le conseiller (le directeur selon le vocabulaire de François) se contente de l'aider par ses
conseils, de l'écouter et de le stimuler. Jamais, il ne s'est considéré comme un maître à suivre.
Sa pédagogie spirituelle se fonde sur la persuasion et la suggestion. Direction spirituelle indirecte.
Écouter la personne. Tenir compte du temps. Prendre patience. Avancer lentement, mais sûrement.
Il a bien saisi l'aspect de cheminement de la vie spirituelle. Il invite très souvent ses dirigés à ne pas
brûler les étapes (v.g. la présidente Brûlart).
Il va donner beaucoup d'importance à l'aspect affectif, amical, dans la direction spirituelle. Il n'a pas
peur de l'amitié et des marques d'affection spirituelle. Ses lettres à Jeanne de Chantal ressemblent
à des lettres d'amour parfois.
Conclusion
L'influence de François de Sales est une influence qui joue plus par sa personnalité, sa qualité
propre d'homme spirituel que par ses disciples. Il n'a pas eu beaucoup de disciples immédiats. Peu
vont écrire et commenter François de Sales. Il a une personnalité charismatique. Son disciple
immédiat le plus connu est Jean-Pierre Camus, évêque de Belley. Il a écrit L'esprit de Saint
François de Sales.
Les conférences saint François de Sales aux Visitandines (Les Vrays Entretiens) furent beaucoup
lus au XIXème siècle sous le titre Le petit directeur selon saint François de Sales (cf. Jean-Claude
Colin). C'est en ce siècle que la spiritualité salésienne va trouver un canal de diffusion privilégié en
Don Bosco, fondateur des Salésiens (la Société saint François de Sales fondée en 1859, précédée
de la fondation en 1841 d'un Oratoire). La popularité de François de Sales ira en augmentant et il
sera proclamé Docteur de l'Église le 19 juillet 1877. (cf. Pedrini dans Le scuole della sp. cristiana...
p. 546).
Sa personnalité charismatique a fasciné ses contemporains et continue de le faire encore
aujourd'hui. Il a une influence très grande dans la spiritualité en général, la spiritualité chrétienne.
c'est l'influence de l'homme et du pasteur "qui connaît ses brebis et que ses brebis reconnaissent".
Hermann Giguère, professeur
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