07 décembre 2007

Sois Christ pour le monde

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“Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas!” (Jn 1,26)

 

 C'est parce que ces paroles sont aussi actuelles aujourd'hui qu'au temps où Jean-Baptiste les adressait aux pharisiens, que j'aimerais vous partager une page splendide de Maurice Zundel(*) intitulée Vous êtes le Christ des autres.

En plein carême, ce prêtre qui fut aussi un mystique génial nous adresse des phrases de feux qui agissent sur nous comme un puissant stimulant.

Elles nous rappellent que nos efforts tendent à la rénovation de l'image du Christ que nous sommes, afin de le laisser transparaître et rayonner à partir de nous, tout autour de nous.   “Vous êtes le Christ des autres. Ils n'ont pas d'autres Christ que vous, parce que c'est uniquement à travers vous qu'ils voient le Christ. Où voulez-vous que l'homme de la rue, où voulez-vous que nos contemporains découvrent Dieu comme une expérience vivante, sinon à travers nous? Pour eux, ce ne sont pas les livres, ce ne sont pas les discours qui pourront jamais rien changer à rien...

Il s'agit uniquement d'un témoignage où, dans une vie dont la noblesse et le rayonnement porteront partout la lumière et la joie, nous avons à devenir, que l'homme d'aujourd'hui découvrira ce Dieu caché au plus intime de lui et qui ne cesse de l'attendre...” 

Ainsi donc, nous sommes l'expression du visage de Dieu qui choisit souvent de n'avoir d'autre révélation que nous-même dans le milieu où nous vivons. Saint Augustin le disait: “Nous n'avons pas seulement été faits chrétiens, nous avons été faits Christ.” Afin d'être pour les autres lumière et réconfort de sa présence!   L.B.

(*) Maurice Zundel: Avec Dieu dans le Quotidien, Éditions Saint Augustin, 1988, pp. 83 ss.

06 décembre 2007

le grain de blé

Et si nous écrivions l'histoire du grain de blé...

 

" Le grain de blé est parfaitement heureux dans son grenier. Il ne pleut pas dans le grenier. Il n'y a pas d'humidité. Et les petits copains du grain de blé sont bien gentils ; il n'y a pas de bagarre entre eux. Il est heureux, très heureux. "

 

Par comparaison à ce que nous appelons le bonheur, c'est-à-dire la santé, la fortune... il est heureux. Mais remarquez que c'est un petit bonheur de grain de blé dans un grenier. Je le dis doucement parce qu'il ne faut pas mépriser le bonheur humain. J'ai le droit de travailler à ma santé, à l'aisance et à tout cela. Rien de méprisable en tout cela. Mais par rapport à ce qu'il doit être, c'est un petit bonheur. J'aime beaucoup l'expression "au petit bonheur". Nous marchons en cherchant le petit bonheur.

 

En écrivant, vous imaginerez que ce grain de blé est très pieux et qu'il remercie Dieu en disant : " Seigneur, je te remercie pour toutes tes grâces : il ne pleut pas, il n'y a pas d'humidité, je suis bien tranquille, c'est parfait. Merci Seigneur. "

 

En faisant cette prière, le grain de blé s'adresse à un Dieu qui n'existe pas. Il s'adresse à une idole. Un Dieu qui serait le père et le garant d'un petit bonheur dans un grenier, ou qui serait l'auteur et le garant de la bonne santé des hommes, de leur aisance et de leur fortune. Ce Dieu là n'existe pas. N'allons pas nous mettre à genoux devant une idole. Le Dieu qui existe est celui qui va transformer le grain pour qu'il devienne ce pour quoi il existe, c'est-à-dire, un épi.

 

Mais continuons notre rédaction :

" Un jour, on charge le tas de blé sur une charrette, puis on sort dans la campagne. C'est encore bien mieux que dans le grenier, c'est merveilleux : le ciel bleu, les oiseaux, les fleurs... Mais le grain est toujours un grain. Il n'est pas transformé. Pieusement, il loue Dieu de plus belle :

'La vie, c'est encore beaucoup plus beau que je ne pensais, c'est formidable. Merci, Seigneur' ".

 

Il s'agit toujours d'un Dieu qui n'existe pas. Bien sûr, vous pouvez nuancer ce jugement, car ce Dieu existe aussi et j'ai bien le droit de louer Dieu pour ma joie et mon bonheur ici-bas. Je dois même le faire, à condition que je m'adresse au vrai Dieu. Or, le vrai Dieu, c'est celui qui va venir maintenant.

 

" On arrive sur la terre fraîchement labourée, on verse le tas de blé sur le sol et puis on l'enfonce dans la terre. A ce moment-là, le grain de blé sur le sol n'y comprend plus rien. Comme on dit autour de nous :

 'Si Dieu existait, de telles choses n'arriveraient pas.'Et notre petit grain se met à regretter le bonheur de son grenier, il se sent mourir, l'humidité le pénètre jusqu'au centre, il se dissout ". 

C'est à se demander, à ce moment-là, si la vie n'est pas purement et simplement absurde.

 

" Quelques semaines plus tard c'est la moisson, et le grain est devenu un bel épi, et c'est pour cela qu'il existait. "

  

François Varillon sj  -  Extrait de " Vivre le christianisme ".


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04 décembre 2007

Être témoin de l'option pour les jeunes et les pauvres...

Addis Abeba – Première rencontre des volontaires - 25 et 26 octobre 2007 

                De nombreux volontaires pour la plupart envoyés par le VIS, quelques-uns par Amici dei Popoli, ou par l’intermédiaire de Maisons salésiennes, ainsi que des Salésiens – soit 60 personnes au total ont assisté à la première rencontre des volontaires en Afrique qui s’est déroulée les 25 et 26 octobre 2007 à Addis Abeba, en Ethiopie en présence de don Francis Alencherry, Conseiller Général et de P.Ferdinando Colombo.

 

De nombreuses Provinces africaines étaient représentées : l’AET, l’AFE, l’AFM, l’AFO, l’AFW, l’AGL, la RDC (Goma), l’ANG, l’ATE, MDG, MOZ, SUD, ZMB, ainsi que l’ONG JEW et le VIS.

 

                La rencontre avait pour objectif de rassembler les volontaires travaillant en Afrique depuis au moins un an et d’analyser ensemble certains aspects du Volontariat  - travail qui sera pris ultérieurement en considération par le Séminaire d’étude du Manuel « Volontariat et Mission Salésienne ».


 “ …Les laïcs dans l’Eglise ont la tâche d’être témoins de la foi, les volontaires salésiens sont des témoins de l’option pour les jeunes et les pauvres » «  Aimer en actes … oser parler du Dieu d’Amour, puiser sa force dans la foi, suivre les pas de Jésus-Christ … » Etre témoin de l’option pour les jeunes et les pauvres, c’est vouloir réaliser cette harmonie entre la Parole qui a fait doucement son chemin jusqu’au plus profond du cœur et les actes, la réalisation concrète de cette Parole dans un vécu quotidien. C’est un service qui s’oriente selon le charisme de don Bosco vers les plus pauvres, les plus démunis, les marginaux, les laissés pour compte … C’est devenir jour après jour, témoin de cet Amour de Dieu pour chacun d’entre nous et vivre de cet Amour, oser le dire. C’est découvrir ensemble que Dieu nous aime tel que nous sommes et qu’Il nous invite sans cesse à pardonner, à se réconcilier, à aller de l’avant, à avancer en eau profonde… C’est apprendre aux jeunes à devenir de vrais missionnaires, en leur faisant découvrir la joie de donner gratuitement, d’annoncer l’espérance, de dire sa confiance absolue en ce Dieu d’Amour.Les volontaires, par cette option fondamentale au projet salésien et au plan de Dieu pour chacun de nous, encouragent par leur présence et leur témoignage, les jeunes à prendre conscience de leur responsabilité dans la construction d’un monde différent, fondé sur d’autres valeurs : un monde d’Amour, de justice et de paix et non pas prendre pour modèle une société de consommation.En encourageant les jeunes à préserver leur propre Culture, à la mettre en valeur, les volontaires peuvent aider très efficacement à cette prise de conscience.  Ils libèrent des énergies nouvelles, des ressources parfois bien cachées au fond des cœurs qui amènent à porter un autre regard sur les autres …Un regard qui dynamise, qui renouvelle, qui apprend à grandir, à vivre et parfois même à survivre, à « ressusciter », bien différent d’un regard qui écrase, qui emprisonne dans des préjugés, des a priori. Un regard qui « envisage » l’autre. Le recul qui peut prendre le volontaire par rapport à certaines situations amène doucement la personne ou même des groupes à se poser des questions, à se remettre éventuellement en question. Dans un vrai dialogue qui naît de cette confrontation, des portes s’ouvrent libérant une créativité, un cheminement inespéré…  Les volontaires sont là tout simplement pour dire leur option pour ces jeunes marginalisés, sans projet de vie et les accompagner dans leur cheminement vers plus de Lumière pour construire un avenir plus serein. Leur présence parmi ces jeunes montre un soucis  de vouloir les aider à se réaliser pleinement   l’importance que chacun a pour eux…Ces enfants sortent de l’anonymat, redécouvrent leur identité, retrouvent une dignité perdue … «  Prendre un enfant par la main pour l’emmener vers demain… » …tout simplement, sous le regard d’Amour et de tendresse de Dieu ! 
Addis Abeba , le 26 octobre 2007 Thérèse WATRIPONT - Salésienne Coopératrice -

Centre de Jeunes de Gatenga – Kigali / RWANDA - Vice province de l’AGL    


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Eloge de l'humilité

...UNE PATIENTE AVENTURE  

L'humilité tout d'abord semblait cousine de ces vertus d'effacement et de mesure qui nous épargnent d'imposer aux autres, qu'ils en veuillent ou non, notre présence, notre regard, notre conviction, notre jugement, et d'envahir leur espace comme par droit de conquête : la modestie, la retenue, la réserve, la pudeur, la décence, la discrétion.

Cependant, si précieuses soient-elle, celles-ci mettent en jeu des limites qu'il s'agit de ne pas franchir, des distances qu'il s'agit de ne pas abolir pour qu'autrui soit et respire, reste libre et mobile. Ce sont vertus de belle socialité, et leur objet, d'abord négatif, est d'empêcher tout débordement où la mise en avant de notre être ferait de l'autre, même au nom de son prétendu bien, notre chose ou notre jouet.

L'humilité, quant à elle, commence à l'intérieur, dans le secret et dans la nuit, où elle ne cesse de mûrir comme la grappe d'une aurore qui sera. Elle ne nous demande rien d'autre, dit saint Augustin, que de nous connaître en vérité : ni plus, ni moins. Se connaître n'est pas se comparer : que m'apprend de me trouver pire ou meilleur qu'un autre que je connais moins encore que moi ? Et en quoi se déprécier serait-il plus pur que se vanter ? Ce ne sont que les marées hautes et basses du narcissisme, et il y a aussi des fanfarons de l'indigne. Cette descente dans l'abîme que nous sommes veut une lumière, celle de Dieu, plus forte que notre conscience, et un but, celui d'œuvrer enfin, plus riche que nos jugements, bons ou mauvais, sur nous. 

Cette courageuse plongée en notre intime labyrinthe n'a pas pour fin de nous y perdre ni de nous y enfermer mais de nous désabuser et de nous détromper de nous-même, afin que de cet abîme suffoquant nous ressortions libres et nus. Nus, car nous savons désormais que rien de misérable ne nous est tout à fait étranger. Libres, car nous savons désormais qu'il n'y a ni force, ni talent, ni vertu dont nous soyons propriétaires, et dont nous puissions nous faire fort, par nous-même, à jamais, mais que tout nous viendra de ce à quoi nous nous vouons, et seulement aussi longtemps que nous nous y vouerons.

C'est alors que commencent la marche à l'air libre et les choses vraiment sérieuses. Seul un voyageur sans bagage peut les entreprendre, car seul celui qui se sait pauvre peut oser appeler et oser recevoir, et seul celui qui se sait faible, ne possédant pas de force, en invente et en trouve, fût-ce pour en donner. Je n'ai plus dès lors à me demander si je suis assez courageux, assez patient, assez intelligent pour telle tâche ou telle action, mais seulement si cette tâche est nécessaire et cette action requise. L'humble est celui qui a confiance, qu'il recevra de quoi manger en chemin, si ce chemin est vraiment le sien, au lieu de préparer toute sa vie des provisions pour un voyage qu'il ne fera jamais. Il n'a pas cartographié son abîme, il lui a suffi de savoir que ce n'était pas en lui, mais dans la bruissante rumeur du monde, qu'il trouverait réponse à ses questions. Et sa boussole (car il en a une) est que la force de son amour ne vient pas de lui, mais de ce qu'il aime. C'est pourquoi elle ne saurait manquer. Toujours itinérante, cette amoureuse humilité envoie à toutes les grandeurs de l'humain. Elle est ce sel que nous ne consommons pas tout seul, mais sans lequel rien n'aurait de goût. Un courage sans humilité n'est que folle témérité, une intelligence sans humilité n'est que sotte outrecuidance, une autorité sans humilité n'est que tyrannie capricieuse... Et, comme le sel, c'est elle qui conserve le reste. Mais, comme le sel encore, qui vient sur nos marais, il lui faut la longue patience de la sédimentation, de l'évaporation, de la récolte.  

Jean-Louis CHRETIEN, philosophe, université Paris IV

La Croix, vendredi 26 avril 2002


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28 novembre 2007

Eloge de la faiblesse

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 C’est le premier jour du printemps 1999, mais tout est gris et calme dans les rues de Rome. La Communauté de S. Egidio nous a invitées à une célébration solennelle: c’est  aujourd’hui que naissent Les Amis, un groupe de cinq cent handicapés environ qui se définissent comme ‘la liesse du monde’. Ils se sont rassemblés dans un théâtre tout en couleurs et ils font la fête toute l’après-­midi en s’appelant par leur nom, en chantant des chansons connues. On dirait qu’ils sont heureux. Ils sentent qu’ici on les considère comme des personnes, malgré leur différence. A la fin de cette réunion, ils lisent lentement leur carte d’identité qui est aussi une déclaration d’intentions.  Ils disent entre autres « Nous avons une grande envie de faire la fête et de changer le monde.   Commençons par nos villes. Construisons une ville sans barrières et sans murs entre les personnes, où chacun écoute l’autre, car il n’y a pas de hâte. C’est la ville amie. C’est « la ville des Amis ». La déclaration est indirectement une demande de  citoyenneté de la part de ceux qui sont plus faibles et qui ont   besoin d’une insertion douce pour exprimer toutes les possibilités, souvent considérées de deuxième zone, qu’ils cachent en eux. Un jour, il n’y a pas si longtemps, Tonino Bello, l’évêque au tablier, a fait une découverte semblable en Amérique Latine. Il était à Bariloche, centre touristique de la haute bourgeoisie argentine, pour comprendre ce que le Pape voulait dire quand il affirmait que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. 

L’évêque a donc laissé derrière lui les villas luxueuses, les hôtels à cinq étoiles et s’est fait conduire vers la banlieue où il y avait des taudis, de la boue et de la misère. Accompagné par une fillette, il est entré dans une baraque où il a trouvé désolation et affreuse misère. Une femme tenait dans ses bras un enfant endormi et en avait cinq autres autour d’elle. 

 « Sur le feu bouillait une casserole de fèves — raconte l’évêque —. Dans un coin, deux chaises dépaillées. Par terre un large grabat. Suspendue à une corde, la dernière lessive. Ma curiosité fut attirée par un livre ouvert sur la table, à côté d’une pile d’assiettes et de bols.    C’était l‘Évangile.  J’eus un frémissement d’émotion. J’avais l’impression d’être entré chez un de mes proches et j’essayai de dire à cette femme: « Je suis très heureux que vous lisiez l‘Evangile ».  A ce moment-là elle, qui était restée en silence jusqu’alors, ouvrit la bouche et murmura avec une toute petite voix qui m’est entrée dans l’âme et qui n’en est plus jamais sortie “L’unica esperanza para  nuestra pobreza”, c’est notre unique espoir dans notre pauvreté. 

Le mystère de la souffrance a été déclaré par les Béatitudes une carte d’appartenance à la citoyenneté évangélique et c’est une carte de reconnaissance encore valable aujourd'hui.