10 juillet 2010

le christianisme

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«  Le christianisme, ce n'est pas d'abord un ensemble de dogmes et de préceptes moraux, c'est avant tout Jésus-Christ lui même.  Remarquez bien,  le Christ ne nous a pas laissé une seule ligne écrite, comme Platon ses dialogues. Il ne nous a pas transmis une table avec une loi, comme Moïse. Il n'a pas dicté le Coran, comme Mahomet. Il n'a pas fondé un ordre religieux, comme Bouddha. Mais il a dit: Je reste avec vous jusqu'à la fin des temps... C'est en cela que consiste l'expérience la plus profonde du christianisme.  Aussi, toute vie chrétienne se fonde-t-elle sur une expérience spirituelle personnelle, sur une rencontre personnelle avec Jésus-Christ. » 

Père Alexandre Men (prêtre orthodoxe)

08 juillet 2010

Dieu tu es mon Dieu

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Nous nous faisons généralement de la prière une si absurde idée! Comment ceux qui ne la connaissent guère - peu ou pas - osent-ils en parler avec tant de légèreté? Un trappiste, un chartreux travaillera des années pour devenir un homme de prière, et le premier étourdi venu prétendra juger de l'effort de toute une vie!

Si la prière était réellement ce qu'ils pensent, une sorte de bavardage, le dialogue d'un maniaque avec son ombre, ou mois encore - une vaine et superstitieuse requête en vue d'obtenir les biens de ce monde -, serait-il croyable que des milliers d'êtres y trouvassent jusqu'à leur dernier jour, je ne dis pas même tant de douceurs - ils se méfient des consolations sensibles - mais une dure, forte et plénière joie! Oh! Sans doute, les savants parlent de suggestions. C'est qu'ils n'ont sûrement jamais vu de ces vieux moines, si réfléchis, si sages, au jugement inflexible, et pourtant si rayonnants d'entendement et de compassion, d'une humanité si tendre.

Par quel miracle ces demi-fous, prisonniers d'un rêve, ces dormeurs éveillés semblent-ils entrer plus avant chaque jour dans l'intelligence des misères d'autrui?

 

Georges Bernanos    -   Journal d'un curé de campagne 

07 juillet 2010

L'amour plus fort que la mort et la haine

 

Julos Beaucarne

 

Dans son métier de chanteur-poète, Julos Beaucarne était secondé par sa femme, Louise-Hélène. Le 2 février 1975, un déséquilibré l'a poignardée. Après ce drame épouvantable, Julos a écrit à ses amis, au cours de la nuit même qui a suivi la mort de sa femme, la lettre que voici:

 

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Amis bien-aimés,


Ma Loulou est partie pour le pays de l'envers du décor, un homme lui a donné neuf coups de poignard dans sa peau douce. C'est la société qui est malade, il nous faut la remettre d'aplomb et d'équerre par l'amour et l'amitié et la persuasion. C'est l'histoire de mon petit amour à moi, arrêté sur le seuil de ses trente-trois ans. Ne perdons pas courage, ni vous ni moi. Je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et mes deux chéris qui lui ressemblent.


Sans vous commander, je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches ; le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l'embellir, il faut reboiser l'âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires vous retrouverez ma bien-aimée ; il n'est de vrai que l'amitié et l'amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses. On doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller en paradis. Ah ! comme j'aimerais qu'il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles.


En attendant, à vous autres, mes amis de l'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches, qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui : je pense de toutes mes forces qu'il faut s'aimer à tort et à travers.

 

06 juillet 2010

Ne perds point courage, humble petite chose!

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Le parfum du bouton s'écria:  "Le jour s'enfuit, ah, le jour heureux du printemps, et je suis le prisonnier des pétales!"

Ne perds point courage, humble petite chose!
Tes liens éclateront, le bouton s'épanouira en fleur, et quand tu te faneras en pleine vie, le printemps, même alors, t'aura survécu.

Le parfum palpite et s'inquiète dans le bouton, criant: "Ah! les heures passent, et je ne sais pas encore où je vais ni ce que je cherche!"
 
Ne perds pas courage, humble petite chose!
La brise printanière a devancé ton désir, et le jour ne finira point que tu n'aies accompli ta destinée.

L'avenir semble obscur au parfum et il s'écrie: "Ah, si ma vie n'a point de sens, à qui la faute?
Qui peut me dire pourquoi j'existe?"

Ne perds pas courage, humble petite chose.
L'aube parfaite est proche, où tu mêleras ta vie à la Vie éternelle, et où tu connaîtras enfin le pourquoi de ton existence.

 

 

Rabindranath Tagore, La Corbeille de Fruits

 

05 juillet 2010

Non, il n'est pas en ton pouvoir de faire éclore le bouton

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Non, il n'est pas en ton pouvoir de faire éclore le bouton

Secoue-le, frappe-le : tu n'auras pas la puissance de l'ouvrir.

Tes mains l'abîment ; tu en déchires les pétales et les jettes dans la poussière.

Mais aucune couleur n'apparaît, et aucun parfum.

Ah ! il ne t'appartient pas de la faire fleurir.

Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement.

Il y jette un regard, et la sève de vie coule dans ses veines.

A son haleine, la fleur déploie ses ailes et se balance au gré du vent.

Comme un désir du cœur, sa couleur éclate, et son parfum trahit un doux secret.

Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement.

 

 

Tagore (la corbeille de fruits)