18 avril 2011

Sept paroles de vie

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LA TRADITION a rassemblé les sept paroles du Christ en croix. Nous pouvons en faire un guide spirituel pour la Semaine sainte.

Première parole : Jésus dit : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Vivons cette Semaine sainte avec l’obsession du pardon chevillée au cœur. Osons demander pardon à celui, à celle, à ceux que nous aimons si peu ou si mal…

Deuxième parole : Jésus dit : « Femme, voici ton Fils » , et au disciple : « Voici ta mère. » Regardons le Christ qui confie sa mère. Mesurons l’extrême grandeur de ce geste de confiance. Et demandons-nous en qui, réellement, nous mettons notre confiance.

Troisième parole : Jésus dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » Laissons résonner cette promesse. Croyons que la résurrection nous est promise, non pas demain, mais aujourd’hui.

Quatrième parole : Jésus dit : « J’ai soif. » Sentons cette soif qui creuse en notre cœur l’ardent désir de la source. Demandons-nous : « De quoi et surtout de qui ai-je vraiment soif ? »

Cinquième parole : Jésus dit : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » N’ayons pas peur de pousser, nous aussi, ce cri vers le ciel : « Mon Dieu pourquoi es-tu si loin et pourquoi me suis-je tant éloigné de toi ? »

Sixième parole : Jésus dit : « Tout est accompli. » Interrogeons-nous : « Vers quel accomplissement ma vie marche-t-elle ? Vers qui ai-je le désir de la conduire ? »

Septième parole : Jésus dit : « Père, je remets mon esprit entre tes mains. » Demandons à Dieu la grâce de l’abandon, du « lâcher prise ». Osons ne plus chercher à tout maîtriser dans nos vies. Laissons l’Esprit prendre le gouvernail de notre existence.

 

Bertrand REVILLION, diacre
(Prions en Eglise)

 

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16 avril 2011

Prier, c'est respirer Dieu

 

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Il existe une prière contemplative, et elle n'est pas réservée aux moines. C'est la prière de Jésus pendant toute sa vie sur la terre, c'est la sienne maintenant qu'il est à la droite de Dieu, c'est la prière de l'Église, ce doit être celle de tout chrétien. Depuis toujours les hommes ont levé les yeux pour rejoindre l'Invisible. Partout, dans l'histoire des hommes, on constate cette passion pour les hauts lieux, les espaces aux larges horizons permettant de voir loin. Le mot « temple » ne signifiait pas, comme aujourd'hui, un bâtiment mais, avant toute construction, une esplanade - les chrétiens aimeront dire un parvis - donnant au regard le plus grand champ possible. Et le mot « contemplation » vient du mot « temple », avec la particule cum indiquant la capacité d'unification du regard.  Sur ces hauts lieux, on regarde mieux parce qu'on respire mieux. L'air pénètre plus à fond et revigore le corps, l'âme. Nous voici en pleine prière chrétienne. Respirer à fond, là est la question, la vraie ! Respirer l'air et, au-delà du « bon de l'air » qui nous réveille toujours, respirer cet air qui, dans la Bible, s'appelle le souffle de Dieu, son spiritus, l'Esprit saint.

Alors la prière contemplative a cette dimension du grand regard, du regard profond que procure la respiration de l'Esprit de Dieu. Prier, c'est respirer Dieu. Et, comme toute respiration, cette prière se fait en deux temps, une aspiration, une expiration, et les deux mouvements sont continuels. 

Vivre dans la profondeur

Si vous allez en Bretagne, dans les Côtes d'Armor, en bord de mer, vous voyez, à marée haute, les vagues continuellement couvrir puis découvrir les rochers. La prière est un va-et-vient semblable. Et différent, évidemment. Mais la comparaison n'est pas fausse. La prière a ces deux temps qui lui permettent de se prolonger et, comme la respiration humaine, de devenir la vie dans sa durée. Prier, c'est respirer longuement et c'est vivre dans la profondeur sans demeurer superficiel.

Le Christ nous détaille ces deux temps, il les condense dans les mots qui constituent le Notre Père. Mais avant même de donner cette formule, il a précisé pour les croyants qui veulent le suivre et donc prier-respirer comme lui, les deux conditions absolument nécessaires pour y réussir : que la prière vienne du fond du cœur. Et qu'elle soit toujours une prière plurielle, la prière qui tient compte des autres, disons qui s'intègre dans le plan de Dieu. C'est le fond du cœur que Dieu regarde. Il faut donc habiter son propre cœur, vivre dans ce lieu secret réservé au seul regard de Dieu, là où nul public ne nous admire, où nous aurons prié, non parce que c'est la mode ou l'habitude sociale, mais dans la liberté de l'amour. D'ailleurs, qu'on le veuille ou non, ce lieu est tellement personnel que personne sauf Dieu ne peut y habiter. Là se fait la prière en esprit et en vérité que le Christ apporte aux hommes. C'est là que se fait la respiration à fond permettant une longue marche, un effort vigoureux, un regard apaisé sur l'horizon.

Une fois respiré jusqu'à l'intime du cœur ce souffle de Dieu qu'est l'Esprit saint, il faut l'expirer, le rendre, car là est la condition de la vie. Jésus le signale : inutile de prier si le cœur est volontairement plein d'hostilité pour tout autre, c'est-à-dire buté, fermé. Mais une fois le cœur purifié par le pardon donné ou demandé, il faut respirer, souffler, diffuser l'amour sur tout être, sur toute chose, comme fit le Christ durant sa vie terrestre. Cela se fait spontanément quand la prière du cœur conserve les dimensions les plus larges, quand le cœur dilaté se découvre aimant Dieu et tout ce qu'il a fait. C'est cela l'expiration paisible de l'air qu'on a respiré, et qui est l'Esprit de Dieu.

Prier sans se lasser

Ce double mouvement de la prière secrète qui va se traduire en service des autres, est parfaitement exprimé dans les mots du Notre Père. On a remarqué que les formules de prières sont rares dans les Actes des Apôtres : deux s'adressent à Dieu, deux au Seigneur Jésus. Avec le Notre Père, en effet, tout est dit. C'est d'abord le regard silencieux sur Dieu, avec ces trois noms qui disent sa totale Présence : Ton Nom, Ton Règne, Ta volonté. Comme une inspiration venant combler le cœur. Puis, dans la seconde partie, vient l'expiration, l'expression des désirs humains essentiels, prière plurielle où tout homme se retrouve sans se lasser de la répéter. Dans les grands moments de troubles, les plus démunis font des cortèges et brandissent des banderoles où s'inscrit cet essentiel : le pain, la paix, la liberté. C'est exactement ce que la prière plurielle enseignée par Jésus fait demander à notre Père : le pain quotidien ; la paix, par le pardon mutuel ; la liberté par la libération du Mal (ou du Malin). Prière contemplative, vie contemplative, quand rien ne peut nous séparer de celui qui voit briller dans le secret du cœur de chacun ce que lui-même y a déposé.

La prière ne devient que lentement contemplative au sens plein. Mais le Christ le sait et, pour cela, nous a soigneusement prévenus : il faut prier sans se lasser. Tu parviendras, dit saint Benoît au moine. Cela est vrai pour tout priant.


Père Denis Huerre,
Moine bénédictin à l'abbaye de la Pierre-qui-Vire

Cet article a été publié dans la revue Panorama de décembre 1997.

 

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14 avril 2011

Mon âme en moi s’effondre

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Voilà. C’est ça. Il y a des moments où tout semble s’écrouler. Où des séismes intérieurs viennent ébranler tout l’être. Où des tsunamis déferlent et semblent devoir tout emporter. Des moments où l’on perd pied. Où absolument tout s’embrouille. « Mon âme en moi s’effondre » (Psaume 42 7). D’autres traductions de ce verset, moins extrêmes peut-être, sont tout de même éloquentes : mon âme se recroqueville, mon être est abattu, me voici replié sur moi-même, mon esprit défaille, je suis (re)courbé…

Nous aimerions bien penser que les grandes crises sont exceptionnelles et n’arrivent – heureusement – qu’à quelques personnes envers lesquelles il importe de montrer beaucoup de compassion et un infini respect. Nous aimerions penser que l’histoire de Job, qui a tout perdu ou plutôt à qui tout a été enlevé, constitue un cas limite. Au fond, nous avons besoin de croire que nos vies sont, finalement, sans histoire. Et pourtant… Tout le monde a des restes de rêves et des coins de vie dévastés (Carla Bruni). Oui, tout être humain est un être blessé et il arrive très souvent que parce qu’elle est insupportable, cette blessure, souvent très ancienne, ait été reléguée aux oubliettes.

Les mots des chants utilisés au temple de Jérusalem et préservés par la Bible sous le nom de « psaumes », ont cette grande qualité de mettre l’âme à nu devant Dieu et de permettre, d’inviter, même, à dire : Voilà, c’est ça. C’est ça qui m’est arrivé. C’est ça qu’on m’a fait. C’est ça qui m’arrive, c’est ça qu’on me fait. Je suis brisé, dit ailleurs le même psaume 42 (11), mon âme fond, elle se liquéfie, elle perd sa substance et sa solidité (5), la seule nourriture qu’il me reste, c’est mes larmes (4).

Tous ceux et celles qui ont eu le courage de s’engager dans un processus thérapeutique ou qui ont eu le bonheur de trouver sur leur route humaine des personnes attentives capables de les accueillir tels qu’ils étaient, avec leur détresse, leur honte ou leur colère, savent combien le fait d’être vraiment entendu marque le départ de la guérison si on a été blessé, de la reconstruction si on a été démoli, de l’existence nouvelle si on a été anéanti.

Richesse de la spiritualité juive et de la spiritualité chrétienne : nous ne sommes pas seuls dans nos détresses, nous ne demeurons pas murés dans nos silences. Dieu entend. Dieu compatit. Dieu se fait proche. Des générations d’hommes et de femmes, individuellement et en communautés, en témoignent depuis plus de deux millénaires. Qui accepte de s’exposer devant Dieu, qui s’autorise à se déposer en sa présence tel qu’il ou elle est, avec sa souffrance ou même sa révolte face à l’inacceptable qu’on lui (a) fait, trouve un Consolateur. Un Défenseur. Un Appui. Voilà pourquoi ce même psaume 42 tourne-t-il autour d’un refrain : « Qu’as-tu, mon âme, à t’effondrer ? Pourquoi gémir sur moi ? Espère en Dieu » (6.12).

C’est nourri de cette assurance que Jésus lui-même est entré dans sa grande épreuve et c’est en y prenant appui qu’il l’a traversée. « Aux jours de sa fragilité humaine, il a offert, hurlant et pleurant, prières et supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort » (Lettre aux Hébreux 5 7) et tous l’ont entendu crier le début du psaume 22 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Il existe malheureusement très peu de lieux où ces cris peuvent être exprimés. La liturgie ou les rencontres de prière sont devenues tellement aseptisées, on les veut tellement lumineuses ou rassurantes, qu’il ne nous est plus possible d’y faire entendre vraiment les cris du sombre découragement, de la protestation contre l’inacceptable ou de l’inquiétude vertigineuse. Il reste, pour le moment, l’espace du silence, dans la solitude ou avec quelque fidèle complice capable de se tenir avec nous sur la crête de l’abîme. Dans la protestation et dans l’attente.

Attendre, espérer. Ce n’est pas rien. C’est peut-être même l’essentiel. « Espère en Dieu. Oui, je le remercierai encore, mon sauveur et mon Dieu » (Psaume 42 12).


Paul-André Giguère (www.spiritualite2000.org)

 

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13 avril 2011

« Venez à l'écart... » Marc 6, 30-31

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Les Apôtres se rassemblèrent autour de Jésus  et ils lui racontèrent  tout ce qu'ils avaient fait et tout ce qu'ils avaient enseigné.  Alors, il leur dit : « Venez à l'écart, dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. »

 

Les Apôtres étaient allés, deux par deux, dans les villages des environs pour annoncer la Parole de Dieu, guérir les malades et chasser les esprits mauvais. Ils avaient sans doute également écouté les gens leur raconter leurs rêves et leurs cauchemars, leurs espoirs et leurs désespoirs, leurs projets et leurs déceptions. Ils avaient trimé dur. Ils étaient sûrement fatigués. Mais en même temps, ils étaient contents du travail accompli.

C'est pourquoi ils se réunirent auprès de Jésus pour lui raconter ce qu'ils venaient de vivre. Un peu à la manière des enfants qui reviennent de l'école et qui racontent à leur maman ce qui s'est passé en classe. Un peu à la manière d'un benjamin qui raconte à son aîné ses premières expériences de travail ou de vie.

Jésus les écouta avec joie et reconnaissance. Il voyait certes en eux de bons collaborateurs et il était content de leur premier apprentissage apostolique. Mais il les savait fatigués et peut-être devinait-il qu'ils avaient besoin de parler encore de leurs expériences récentes, de se faire confirmer dans leur rôle de missionnaires.

C'est pourquoi il les invita à venir à l'écart, dans un endroit désert. Il les invita à s'éloigner pour un temps de ce qui faisait leur vie quotidienne. Il leur fit prendre un certain recul face à ce qu'ils venaient de vivre; il leur fit marquer une certaine distanciation vis-à-vis de leur travail.

Il les invita également à se reposer un peu. L'intériorité est en effet fort difficile dans l'agitation, l'activisme, l'éparpillement, la course continuelle. L'intériorité suppose du calme, du silence, de la paix, une certaine sérénité, même extérieure. L'intériorité exige la capacité de s'arrêter, de stopper la «course contre soi-même» (Lorenz), la course contre le temps, la course contre l'«ouvrage à faire», pour «se ramasser», se recueillir, se reposer... laisser descendre la mousse dans sa vie ou laisser calmer la vague sur son lac personnel.

Le Seigneur les invita à venir à l'écart dans un endroit désert pour se reposer un peu avec lui. L'intériorité n'est pas simple détente physique ou psychologique (encore que celle-ci soit bien commode et puisse y contribuer grandement). Elle est surtout paix avec le Seigneur et dans le Seigneur. Elle consiste souvent à être avec lui dans le silence et la tranquillité, dans la solitude, dans le secret aussi. Elle consiste également à nous raconter au Seigneur, pour qu'il nous confirme dans ce que nous sommes et dans ce que nous faisons ou tout simplement pour nous réchauffer à son contact: «Je tiens mon âme en paix et en silence... comme un enfant tout contre sa mère.» (Psaume 131, 2)


Jules BEAULAC, Je parlerai à ton cœur, Médiaspaul 1995, p. 25 s.

 

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09 avril 2011

AVOIR et ÊTRE

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Loin des vieux livres de grammaire, écoutez comment un beau soir, 
Ma mère m'enseigna les mystères  du verbe être et du verbe avoir.

Parmi mes meilleurs auxiliaires,
 il est deux verbes originaux. 
Avoir et Être étaient deux frères  que j'ai connus dès le berceau.

Bien qu'opposés de caractère,
 on pouvait les croire jumeaux, 
Tant leur histoire est singulière. Mais ces deux frères étaient rivaux.

Ce qu'Avoir aurait voulu être
, être voulait toujours l'avoir. 
À ne vouloir ni dieu ni maître, le verbe Être s'est fait avoir.

Son frère Avoir était en banque
  et faisait un grand numéro, 
Alors qu'Être, toujours en manque, souffrait beaucoup dans son ego.

Pendant qu'Être apprenait à lire
  et faisait ses humanités, 
De son côté sans rien lui dire  avoir apprenait à compter.

Et il amassait des fortunes
  en avoirs, en liquidités, 
Pendant qu'Être, un peu dans la lune  s'était laissé déposséder.

Avoir était ostentatoire
 lorsqu'il se montrait généreux, 
Être en revanche, et c'est notoire, est bien souvent présomptueux.

Avoir voyage en classe Affaires.
 Il met tous ses titres à l'abri. 
Alors qu'Être est plus débonnaire, il ne gardera rien pour lui.

Sa richesse est tout intérieure,
 ce sont les choses de l'esprit. 
Le verbe Être est tout en pudeur, et sa noblesse est à ce prix.

Un jour à force de chimères
  pour parvenir à un accord, 
Entre verbes ça peut se faire, ils conjuguèrent leurs efforts.

Et pour ne pas perdre la face
 au milieu des mots rassemblés, 
Ils se sont répartis les tâches pour enfin se réconcilier.

Le verbe Avoir a besoin d'Être
  parce qu'être, c'est exister. 
Le verbe Être a besoin d'avoirs  pour enrichir ses bons côtés.

Et de palabres interminables
  en arguties alambiquées, 
Nos deux frères inséparables  ont pu être et avoir été. 


Yves DUTEIL

 

... Vive la langue française !
  
Oublie ton passé, qu`il soit simple ou composé,
participe à ton présent pour que ton futur soit plus-que-parfait...    

MH

 

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