11 juillet 2009

Eloge de la fatigue

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Vous me dites, Monsieur,

Que j'ai mauvaise mine,

Qu'avec cette vie que je mène, je me ruine,

Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer,

Vous me dites enfin que je suis fatigué.

Oui je suis fatigué, Monsieur, et je m'en flatte.

J'ai tout de fatigué, la voix, le coeur, la rate,

Je m'endors épuisé, je me réveille las,

Mais grâce à Dieu, Monsieur,

je ne m'en soucie pas.

Ou quand je m'en soucie, je me ridiculise.

La fatigue souvent n'est qu'une vantardise.

On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit !

Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?

Je ne vous parle pas des sombres lassitudes,

Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitude,

N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons...

Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon...

Lorsqu'on a rien à perdre, à vaincre,

Ou à défendre...

Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ;

Elle fait le front lourd, l'oeil morne, le dos rond.

Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond...

Mais se sentir plier sous le poids formidable

Des vies dont un beau jour on s'est fait

responsable,

Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses

mains,

Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain,

Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la

source,

Aider une existence à continuer sa course,

Et pour cela se battre à s'en user le coeur...

Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur.

Et sûr qu'à chaque pas, à chaque assaut qu'on

livre,

On va aider un être à vivre ou à survivre ;

Et sûr qu'on est le port et la route et le quai,

Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ?

Ceux qui font de leur vie une belle aventure,

Marquant chaque victoire, en creux,

Sur la figure,

Et quand le malheur

Vient y mettre un creux de plus

Parmi tant d'autres creux il passe inaperçu.

La fatigue, Monsieur,

C'est un prix toujours juste,

C'est le prix d'une journée d'efforts

Et de luttes.

C'est le prix d'un labeur,

D'un mur ou d'un exploit,

Non pas le prix qu'on paie,

Mais celui qu'on reçoit.

C'est le prix d'un travail,

D'une journée remplie,

C'est la preuve, Monsieur,

Qu'on marche avec la vie.

Quand je rentre la nuit et que ma maison dort,

J'écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ;

Je me sens tout gonflé

De mon humble souffrance,

Et ma fatigue alors est une récompense.

Et vous me conseillez d'aller me reposer !

Mais si j'acceptais là,

Ce que vous me proposez,

Si j'abandonnais à votre douce intrigue...

Mais je mourrais, Monsieur,

Tristement... de fatigue.

 

Robert Lamoureux

 

 

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08 juillet 2009

le Silence m'a dit ...

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Le Silence m'a dit :
Retrouve en moi l'aurore,
Lasse et hallucinée
Dans le feu des tumultes.
Dans l'ombre de ma nuit,
Voici l'épiphanie du bel amour
Reclus aux mailles du temps fou,
La transfiguration
De l'âge intérieur, qui,
Vertical et pur,
Se défend de la chair
Au creux de moi
Se font musique les conflits.
Et l'ordre nuptial
Des harmonies nouvelles
Pèlerin aux mains nues,
Chemine vers ton âme.
Habille-la des ombres chaudes
De la nuit
Où tu psalmodieras
Ses plaintes éphémères.
Le Silence m'adit :
Apprends la déchirure
Où le monde intérieur s'abreuve
À la vraie source.
L'ange consolateur,
Éblouissant d'espoir,
Est assis près de toi,
Sous l'arbre familier,
Pour effacer l'écran
Des vanités primaires.
Le Maître alors paraît
Et ses bras sont ouverts.
Voici qu'il pose in toi
Des actes de lumière.
Dévoilant le miracle
Où tout devient clarté
Il élargit la page
Où demeure sa Paix.

 

- J.Lebot dans « Comme un pâle trésor », 

Les poètes de l'aube, n° 3, Aurillac, 1970. P.17

 

 

 

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06 juillet 2009

Pourrais-tu ?

Auteur : Isabelle de Menten


 

Sans titre 1

 

 

Pourrais-tu t'arrêter soudain,
cueilli par un morceau de paysage
ou par l'expression d'un visage ?
Pourrais-tu laisser le temps couler,
se perdre sous ton regard ?
Et pourrais-tu contempler longtemps,
assez longtemps pour apaiser
les frondeurs de ton être ?
Accepterais-tu de demeurer
les mains vides, encore et encore,
le coeur ouvert ?
Garderais-tu ton sourire d'enfant
si le brouillard ou le froid, ou la tempête,
un jour t'envahissaient ?

Chanterais-tu sur la route
une parole, ou un mot,
toujours sans te lasser?

Oserais-tu enfin donner, donner sans mesure,
sûr de ne jamais atteindre le fond de ta coupe ?

Alors...
que ta patience enfante la Paix
et que ta paix fleurisse en Joie...

 

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29 juin 2009

Rappelle-toi ...

  Thomas Merton

 

 

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Rappelle-toi ...
que si un rien fait souffrir
un rien fait aussi plaisir...
que tu peux être semeur
d'optimisme, de courage, de confiance...
Que ta bonne humeur peut égayer la vie des autres...
que tu peux en tout temps, dire un mot aimable...
Que ton sourire non seulement t'enjolive,
mais qu'il embellit l'existence de ceux qui t'approchent...
Que tu as des mains pour donner
et un coeur pour recevoir.

 

 

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23 juin 2009

Il y a des jours, tu vas loin ...

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Il y a des jours où sans le savoir peut-être, tu vas loin, très loin dans les gestes de la vie.

Si tu savais mon frère, l'étonnante portée de tous ces gestes-là...

Sans le savoir, sans le vouloir, tu as donné à quelqu'un le goût de vivre, le courage de se mettre debout et plus encore, le goût d'aimer.

Si tu savais, toi mon frère inconnu, comme elle est chaude la table de l'ami, quand le corps est transi parce que le cœur fait mal.

Si tu savais combien le pain est bon, quand au-delà du pain, tu donnes la parole.

Il y a des jours où, sans le savoir, en te risquant au partage, toi aussi, tu dis le meilleur de l'homme, parce que tout simplement, tu as ouvert ta porte, tu as mis une assiette de plus et tu as dit : « Si tu venais manger chez nous ».

Ce jour-là, peut-être, tu as donné plus que du pain et grâce à toi, ton frère est debout.

 

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