06 novembre 2010

Faire l'unité de ma vie

Par le Père François Bousquet  

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Le monde qui m'entoure est plein de sollicitations, kaléidoscope de paroles, d'images, de musiques. Le monde entier m'arrive en fragments successifs, rapides, tous sur le même plan. La vie comme un clip, mais en plus dramatique et avec la possibilité de zapper... Des lieux différents, qui peuvent être autant d'univers cloisonnés : celui où j'habite, un autre où je travaille, encore ailleurs où je me distrais, où je milite... Tout peut me disperser.

Face à cela

Vais-je vivre des "moi" successifs sans beaucoup de rapports entre eux ? Souvent, c'est la superficialité, une expérience tout en surface, qui me conduit à une vie en quelque sorte hors de moi-même : je me projette sur tout ce qui se passe, comme une "éponge relationnelle". Tout et son contraire tout de suite !

Mais alors qui suis-je vraiment ? Vais-je demeurer un peu en moi, où Dieu m'attend, en essayant de m'aimer comme il m'aime, sans fuir ma vie ?

Vais-je rester moi-même, avec la distance nécessaire pour dire oui ou non ? Rester attentif, informé, mais garder le cap et "méditer toutes ces choses en mon cœur "?

Il me faut reconnaître la contradiction ou la confusion de mes désirs. Je veux à la fois des relations et être tranquille, je veux être aimé et ne veux pas aimer, j'aime et je déteste à la fois mon travail, ma famille, mes amis, mon prochain. Mes désirs sont parfois ambigus ou mélangés. Il reste que la vie est faite d'une série de choix quotidiens, de "oui" et de "non" qui finissent par définir une trajectoire. Un sens peut alors commencer à se dessiner : le vent contraire peut aussi nous faire avancer !

Pour autant, ne pas tomber dans l'excès de vouloir tout maîtriser. C'est un art que la gestion de son temps, qui permet d'intégrer imprévus et contraintes ou, à l'inverse, malgré les contraintes et les agendas, prendre le temps de m'arrêter pour réfléchir, pour hiérarchiser les urgences. Il me faut en conséquence adopter une certaine discipline de vie, comme le jardinier qui doit débroussailler le jardin pour qu'il respire.

C'est toujours un amour qui unifie la vie.

La vie, l'activité de ceux qui s'aiment et qui aiment (les amoureux, les parents, tous ceux qui "donnent" leur vie), est polarisée par leur amour : tout ce qu'ils font, quand bien même c'est une multitude de choses, grandes et petites, s'unifie et prend sens.

L'intériorité est aussi un facteur d'unification de ma vie : la prière, l'examen de conscience, une retraite offrent les moyens de relire sa vie.

Être vigilant et lucide sur mes choix : pourquoi est-ce que je fais ce que je fais ? Qu'est-ce que j'aime dans ce que j'aime ?  Faire communiquer sans cesse tout ce qui remplit ma vie (études, travail, relations, foi, ...).

Ainsi, peu à peu, se construit mon expérience, à partir de deux éléments : bien me connaître moi-même, sans illusion ni défaitisme, et tenter de discerner où m'attendent Dieu et les hommes. Rien en effet ne polarise une vie autant qu'un appel qui lui est adressé. La diversité de la vie, à tous ses instants, peut alors devenir un plaisir. J'arrête de faire le caméléon sur la jupe écossaise. Parce que je me suis construit une mémoire et que j'adopte un horizon, tout en restant libre par rapport à eux : Dieu est plus grand. Mais je puis m'appuyer sur la mémoire de ma foi en lui. Ce qu'il me demandera correspond à ce dont je suis capable, quand bien même je ne l'imagine pas encore... Simplement, il me faut me tenir là où Il se trouve : d'abord en moi.

25 octobre 2010

« Seigneur, ne le laissez pas mourir ».

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Premier dimanche de juillet 1846. Après une épuisante journée passée à l’oratoire dans une chaleur torride, en retournant à sa chambre du Refuge, don Bosco s’évanouit. On le transporte jusqu’à son lit : « Toux, inflammations violentes, crachements de sang continuels ». Cers paroles signifient selon toute probabilité : « pleurite avec forte fièvre, hémoptysie », conjonction de troubles extrêmement graves à cette époque et pour un malade qui a déjà souffert de vomissements de sang.

« En quelques jours, je fus considéré comme perdu ». On lui administre le viatique et l’onction des malades. Sur les chantiers des petits maçons, dans les ateliers des jeunes mécaniciens, la nouvelle se répand immédiatement : « Don Bosco va mourir ».

Tous les soirs, vers la petite chambre du Refuge où don Bosco agonise, arrivent des groupes de pauvres garçons affolés. Ils portent encore leurs vêtements salis par le travail, le visage blanchi par la chaux. Ils n’ont pas dîné pour courir au Valdocco. Ils pleurent, ils prient. ; « Seigneur, ne le laissez pas mourir ! »

Le médecin a suspendu toute visite, et l’infirmier (tout de suite posté par la marquise au chevet de don Bosco) interdit à qui que ce soit l’entrée de la chambre du malade. Les garçons désespèrent :

« Laissez-moi au moins le regarder.
-              Je ne le ferai pas parler,
-              J’ai un seul mot à lui dire, un seul.
-              Si Don Bosco savait que je suis là, il me ferait entrer »

Don Bosco reste pendant huit jours entre la vie et la mort. Pendant ces huit jours, des garçons, travaillant sous un soleil de plomb, ne burent pas une gorgée d’eau pour arracher au ciel sa guérison.  Dans le sanctuaire de la Consolata les petits maçons se succèdent nuit et jour. Il y a toujours quelqu’un agenouillé devant la Madone. Si les yeux se ferment de fatigue (après douze heures de travail), ils résistent au sommeil parce que don Bosco ne doit pas mourir.

Certains, avec la générosité spontanée des enfants, promettent à la Vierge de réciter le chapelet toute leur vie, d’autres de jeûner au pain et à l’eau pendant un an.

Le samedi, don Bosco subit la crise la plus grave. Il n’a plus de force, le plus petit effort provoque un vomissement de sang. Dans la nuit, beaucoup craignent la fin. Mais elle ne vient pas.

C’est au contraire l’amélioration qui arrive : la grâce, arrachée à la Vierge par ces garçons qui ne peuvent plus rester sans père.

Un dimanche de la fin de juillet, dans l’après-midi, en s’appuyant sur un bâton, don Bosco se dirige vers l’oratoire.

Les garçons volent à sa rencontre. Les plus grands l’obligent à s’asseoir sur un fauteuil, le soulèvent sur leurs épaules et le portent en triomphe jusque dans la cour. Ils chantent, ils pleurent, les petits amis de don Bosco, et, lui aussi il pleure.

Ils entrent dans la petite chapelle et remercient ensemble le Seigneur. Quand le silence se fait, tendu, don Bosco réussit à prononcer quelques paroles :

« Ma vie, c’est à vous que je la dois. Mais, soyez-en persuadés : à partir d’aujourd’hui, je la dépenserai entièrement pour vous ».

 

Don Bosco par Térésio Bosco

23 octobre 2010

La prière personnelle.(2)

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Des lieux de prière.


Des espaces réservés à la prière et spécialement aménagés pour favoriser le recueillement sont une nécessité. Les oratoires répondent à ce besoin. Aujourd’hui ils sont de dimensions modestes et sobres dans leur décoration pour centrer l’attention sur l’essentiel : le livre de la Parole, signe de ce Dieu qui nous parle et que nous venons écouter ; une lumière, symbole de Celui qui nous précède dans la veille, de la Présence chaleureuse et aimante qui nous guide dans la nuit.

Ce cadre propice au recueillement et à l’attention à la Présence peut favoriser une prière prolongée.

Toutefois, il est possible de prier partout, au milieu de la foule comme sur une plage déserte, dans le train, le bus, le métro, dans une salle d’attente…Mais le lieu fondamental de la prière demeure l’intérieur de nous-même, notre cœur profond.

Dieu lui-même nous apprend à prier.

Si Dieu demeure présent au plus intime de nous-même, il ne nous laisse pas seul dans ce travail de la prière personnelle. Il nous communique son Esprit pour que nous puissions entendre et comprendre sa Parole.

Ainsi l’Esprit travaille en nous pour nous transformer peu à peu à l’image du Fils. Prier, pour le croyant chrétien n’est donc pas simplement une démarche humaine, c’est aussi une démarche divine. C’est Dieu lui-même qui, en quelque sorte, vient prier en nous et nous fait participer au dialogue des trois personnes de la Trinité.

C’est pourquoi la prière chrétienne est nécessairement branchée en Christ : « par lui, avec lui, en lui » comme nous le disons dans la célébration eucharistique. Apprendre à prier, c’est essayer d’entrer dans les dispositions, les sentiments du cœur de Jésus. Les différentes spiritualités chrétiennes proposent des chemins qui favorisent l’identification au Christ.

22 octobre 2010

La prière personnelle.(1)

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La prière personnelle.

La démarche spirituelle oriente vers d’autres formes de prière, d’autres attitudes plus accordées à l’expérience de l’intériorité.

Tout d’abord, même si l’on perçoit bien, assez naturellement, que la vie spirituelle passe par le recueillement et l’intériorité, la démarche de prière se cantonne souvent dans le seul registre de la demande. On demande à Dieu son aide pour la vie spirituelle, davantage de foi, sa lumière pour comprendre ce qui est à faire et pour discerner dans les situations compliquées. Une telle prière de demande est utile et nécessaire, elle témoigne d’une ouverture de l’esprit et du cœur indispensable pour progresser. Elle n’est toutefois qu’une dimension de la prière. A en rester là, la prière tourne court.

La seule prière de demande peut maintenir la vie spirituelle dans une attitude étroite. Le développement de cette vie spirituelle suppose que la prière devienne progressivement  une disposition fondamentale d’ouverture de soi à l’Autre, à la Présence, ce qui implique le silence intérieur. C’est ce silence qui permet l’attention à cette Présence.

Pour la foi chrétienne, la prière n’est pas seulement appel, élan du cœur vers Dieu, elle est aussi, et peut-être d’abord, écoute, accueil de ce Dieu Père qui se donne à nous en son Fils Jésus et qui nous attire à lui par son Esprit.

 

Trouver sa respiration spirituelle.

A chacun aujourd’hui de trouver son propre rythme et sa respiration spirituelle en s’aménageant des « breaks pour Dieu ». Ceux-ci peuvent être plus ou moins longs en fonction du rythme (hebdomadaire, mensuel, annuel…).Il semble toutefois nécessaire de se libérer un ou deux espaces quotidiens pour se relier consciemment à Dieu. Associer notre présence consciente à Dieu à notre rythme fondamental de veille ou de sommeil, qui scande la succession de nos journées, est essentiel pour acquérir une vie spirituelle qui ait « un souffle » suffisant.

 

... à suivre

12 octobre 2010

Être « chrétien et citoyen » dans un monde qui évolue, est-ce possible? (2)

2e partie de l'intervention de Sœur Catherine FINO fma dans le cadre du 2ème Congrès de l'éducation salésienne dont le  thème était: "le système préventif dans un monde sécularisé".   (Lyon - novembre 2000)

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REGARD sur St FRANCOIS DE SALES

Nous allons porter notre regard sur quelqu’un dont don Bosco s’est inspiré, non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan éducatif: Saint François de Sales.

2e partie :


Comment vivre ensemble sans violence?


Dans un monde pluriel, il va falloir ensuite gérer les relations sans violence: les jeunes vont sans cesse côtoyer, y compris dans leur propre famille, leur vie professionnelle, etc... des gens qui n’ont pas fait le même choix qu’eux, qui s’opposeront à eux de par leurs convictions différentes.  Comment se comporter? François propose la « douceur » salésienne. Elle n'est pas mièvre: de quoi s’agit-il ?

- L’art de proposer: « Parlez toujours de Dieu... non point à la manière d’une correction mais à la manière d’une inspiration: car c'est merveilleux combien la proposition douce et aimable de quelque chose de bon est une puissante amorce pour attirer les coeurs» (IVD III, 26).

- Respecter la liberté de pensée « Même «s’il est nécessaire de contredire quelqu’un et d’opposer son opinion à celle d’un autre, il faut user de grande douceur et dextérité, sans vouloir violenter l’esprit d’autrui car aussi bien ne  gagne-t-on rien on prenant les choses âprement.  L’esprit humain peut être persuadé, non pas contraint. Le contraindre, c’est le révolter »(IVD M 30).

- Il vaut mieux décider de vivre sans colère que d’en user modérément, donc il faut être capable de l’éteindre en nous. « Comment la repousser?  Ramasser nos forces, mais doucement…»  « Lorsque vous êtes tranquille, faites grande provision de douceur » « Soyez doux envers vous-même, ne vous mettez pas en colère contre vous-même à la moindre occasion »  « Traitez vos affaires avec soin, mais sans empressement ni souci ».

- L’art des relations cordiales (au sens: mettez-y votre cœur!) mérite un entretien aux Visitandines (X 1108):

- savoir exprimer son affection, rendre agréables les relations de travail, et être simple et sans complexe aux moments de détente, être attentifs à l’autre sans tomber dans la flatterie excessive ou risquer de provoquer la jalousie.  L’art de s’adapter à autrui est sous tendu par toute une étude psychologique.

- François de Sales ajoute la nécessité de faire confiance, de pas juger ou craindre le jugement d’autrui pour oser communiquer nos richesses entre nous.  Savoir donner des bases d’affection mutuelle et de connaissance profonde à nos relations désamorce la violence entre nous, et apprend à souhaiter communiquer avec tous.

- La cordialité salésienne est à l’origine de ce qui deviendra l'amorevolleza chez don Bosco, avec l’importance des relations des jeunes entre eux, dans une vie de groupe, et la qualité de la relation instaurée par l’éducateur avec l’éduqué.


En conclusion
:


Je voulais vous livrer ces quelques convictions qui peuvent enrichir notre recherche éducative aujourd’hui, en l’enracinant dans l’école de pensée spirituelle où don Bosco lui-même a puisé. Et nous encourager quand nous voyons combien l’évolution d’une société peut être à la source de nouvelles dimensions et expressions de la pensée spirituelle et éducative, qui permettent à l’Église de se renouveler, quand les chrétiens entrent pleinement dans le débat et les défis de la société de leur temps.