Emilienne, c’était Noël ! (21 décembre 2012)


Laissez-moi vous raconter l’histoire d’Emilienne, la coqueluche des jeunes de notre équipe.

Un soir de Noël, deux mecs traînant dans un bistrot de La Villette découvrent Emilienne, seule en face de son petit rouge.  Ils me la ramènent séance tenante. ʺElle était toute seule. Ça ne se fait pas, cette nuit-là.ʺ

C’est comme ça qu’Emilienne, quatre-vingt-cinq ans, atterrit dans notre permanence.  Pas gênée du tout, elle s’installa au bout de la table.  Le festin, pauvre mais riche de bruits de fourchettes et d’expressions joyeuses du terroir parisien, commença.

Timide d’abord, Emilienne se coula au milieu de la bande à une vitesse stupéfiante.  Les mecs découvraient, en une soirée, la richesse et la pauvreté d’une vie qui ressemblait à la leur, hormis l’âge avancé.

Adoptée Emilienne !

De Noël en Noël, ses jambes se dérobaient : tout le reste était vivant ; les mecs allaient la chercher.  Les gros bras musclés soulevaient comme une plume ses vieux os qu’ils aimaient tant.

Elle passa cinq Noëls avec nous.  Elle en parlait trois mois avant, elle en parlait trois mois après ; ça lui faisait passer la moitié de son année.

Et puis, un jour, elle disparut du quartier.  On nous dit qu’elle était à l’hôpital.  Toute la bande arriva, mais trop tard.  Elle était déjà dans le cercueil ; ils la contemplèrent un moment.  Et puis, un mec lâcha en guise de brève oraison funèbre : ʺEmilienne, c’était Noël !ʺ

Guy Gilbert


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